jeudi 29 décembre 2005

Français de Montréal

Extrait du livre Français de Montréal par Bertrand Lemeunier et Éric Clément. Montréal, Les Éditions La Presse, 2005


"Pour être Canadien, cela prend au moins 75 ans, même si on te donne le passeport après trois ans. Pour faire un Québécois, il faut certainement un siècle et demi ! Mais je pense qu'on peut devenir Montréalais en cinq ans."

(François Lubrinas, vétérinaire)


"Je me sens citoyen d'une ville cosmopolite dans laquelle on partage plein de cultures. Je suis Français, je suis Canadien. J'ai les deux nationalités. Je me sens citoyen de Montréal et en même temps citoyen du monde."

(Nicolas Peyrac, chanteur et romancier)


"Là où on m'a fait renaître, j'appartiens."

(Jérôme Ferrer, chef-cuisinier)

mercredi 28 décembre 2005

Vélosophie

"J'ai une passion pour le vélo qui est une manière de vivre, une façon de progresser. Quand on est bon cycliste, on peut réussir partout. Parce que c'est dur et qu'il faut du courage."

(Louis Duvernois, sénateur à Paris)

vendredi 23 décembre 2005

La mort du loup

"Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçus les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs; Seulement
La girouette en deuil criait au firmament;
Car le vent élevé bien au dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable en s'y couchant; Bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçait la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions pas à pas en écartant les branches.
Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,
J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maître revient, les lévriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse;
Mais les enfants du loup se jouaient en silence,
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,
Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées,
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris,
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante,
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu, qui traversaient sa chair,
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'est pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve
Ne l'eut pas laissé seul subir la grande épreuve;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes,
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

Hélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous , débiles que nous sommes!
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez sublimes animaux.
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,
Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse.
--Ah! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur.
Il disait: " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,
Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler."


Alfred de Vigny

mardi 13 décembre 2005

Avant de changer la société, changeons l'individu

"La société est une abstraction. Une abstraction n'est pas une réalité. Ce qui est une réalité est la relation entre un humain et un autre. La relation entre humains a créé ce que nous appelons la société. L'homme est violent, l'homme est égoïste, l'homme est à la recherche du plaisir, il a peur, il manque d'assurance. En lui-même, il est corrompu et cette forme de relation, qu'elle soit intime ou non, a créé cette soi-disant société. Voilà qui est clair, bien évidemment. Or, nous essayons sans cesse de changer la société, mais pas de changer l'homme qui a créé la société dans laquelle il vit."

(Krishnamurti, Face à la vie)

dimanche 11 décembre 2005

Le bonheur est tout simplement là

"Pour l'homme emprisonné, la liberté n'est qu'une spéculation. Mais s'il sort en plein air, elle est tout simplement là.
N'est-il donc pas important, au lieu de demander ce qu'est le bonheur, de comprendre pourquoi on est malheureux ? Pourquoi on a l'esprit mutilé ? Pourquoi on n'a que des pensées limitées et mesquines ? Si vous pouvez comprendre cette limitation de la pensée, voir cette vérité, cette perception même sera une libération."

(Krishnamurti, Face à la vie)

mercredi 7 décembre 2005

Interprétation alternative de "La Cigale et de la Fourmi"

"La nature du grillon est d'aimer sa chanson et de s'en réjouir tellement qu'il ne cherche pas de nourriture et qu'il meurt en chantant."


***

"Il y a celle qui veille sur ce qu'elle aime - sans l'empêcher d'aller son cours. Et il y a celle qui se tourmente pour ce qu'elle aime - en tâchant de modifier son allure. Il y a Marthe et il y a Marie, les deux soeurs rencontrées par le Christ passant. Marthe soucieuse d'ordre et de nourriture, tournoyant dans sa cuisine, égarée dans une rumeur d'assiettes et d'eau bouillante. Et Marie, son tablier roulé sous un banc, Marie assise sur le sol, jambes repliées sous elle comme les ailes d'un oiseau à l'instant du repos, visage ouvert, mains vides. Marie soucieuse de cet amour sans quoi tout ordre est triste, toute nourriture fade."

(Christian Bobin, Le Très-Bas)