vendredi 20 avril 2012

Le règne de la torgnole

"Le modèle de résolution de tous les problèmes est la torgnole que l'on retourne au gamin, ou le coup de pied que l'on flanque au chien. Voilà qui soulage. À celui qui dérange, chacun rêve par la force de faire entendre raison, comme à un chien, comme à un enfant. Celui qui ne fait pas ce qu'on dit, il faut le remettre à sa place par la force. Il ne comprend que ça. Là-bas était le règne du bon sens par la torgnole qui est l'acte social le plus évident. Là-bas s'est effondré car on ne peut gouverner les gens en les prenant pour des chiens."

(Alexis Jenni, L'art français de la guerre)

jeudi 12 avril 2012

La discussion est-elle possible?

"Depuis toujours notre État ne discute pas. Il ordonne, dirige, et s'occupe de tout. Jamais il ne discute. Et le peuple jamais ne veut discuter. L'État est violent; l'État est généreux; chacun peut profiter de ses largesses, mais il ne discute pas. Le peuple non plus. La barricade défend les intérêts du peuple, et la police militarisée s'entraîne à prendre la barricade. Personne ne veut écouter; nous voulons en découdre. Se mettre d'accord serait céder. Comprendre l'autre reviendrait à accepter ses paroles à lui en notre bouche, ce serait avoir la bouche toute remplie de la puissance de l'autre, et se taire pendant que lui parle. C'est humiliant, cela répugne. Il faut que l'autre se taise; qu'il plie; il faut le renverser, le réduire à quia, trancher sa gorge parlante, le reléguer au bagne dans la forêt étouffante, dans les îles où personne ne l'entendra crier, sauf les oiseaux et les rats fruitiers. Seul l'affrontement est noble, et le renversement de l'adversaire; et son silence, enfin.
L'État ne discute jamais. Le corps social se tait; et quand il ne va pas bien il s'agite. Le corps social dépourvu de langage est miné par le silence, il marmonne et gémit mais jamais il ne parle, il souffre, il se déchire, il va manifester sa douleur par la violence, il explose, il casse des vitres et de la vaisselle, puis retourne à un silence agité.
Celui qui fut élu dit sa satisfaction d'avoir obtenu tous les pouvoirs. Il allait pouvoir gouverner, dit-il, enfin gouverner, sans perdre de temps à discuter. Aussitôt on répondit que ce serait grève générale, le pays paralysé, les gens dans la rue. Enfin. Le peuple, qui en a assez de l'ennui, des ennuis et du travail, se mobilise. Nous allons au théâtre."

(Alexis Jenni, L'art français de la guerre)

De belles manif

"En France nous savons organiser de belles manifestations. Personne au monde n'en fait de si belles car elles sont pour nous la jouissance du devoir civique. Nous rêvons de théâtre de rue, de guerre civile, de slogans comme des comptines, et du peuple dehors; nous rêvons de jets de tuiles, de pavés, de boulons, de barricades mystérieuses érigées en une nuit et de fuites héroïques au matin. Le peuple est dans la rue, les gens sont en colère, et hop! descendons, allons dehors! allons jouer l'acte suprême de la démocratie française. Si pour d'autres langues la traduction de "démocratie" est "pouvoir du peuple", la traduction française, par le génie de la langue qui bat dans ma bouche, est un impératif: "Le pouvoir au peuple!" et cela se joue dehors, par la force; par la force classique du théâtre de rue."

(Alexis Jenni, L'art français de la guerre)

mardi 3 avril 2012

"La vie se passe en absences, on est toujours entre le souvenir et l'espérance..."

(Marie de Vichy Chamrond, Marquise Du Deffand)