dimanche 29 janvier 2017

Double discrimination

"Un système d'oppression tire une grande partie de sa force du consentement des victimes, qui ont intériorisé l'image d'elles-mêmes qu'ont les dominants."

(La militante Pauli Murray, citée dans Patricia Hill Collins, La pensée féministe noire)

jeudi 26 janvier 2017

Instruments de vol

"- Fie-toi à ça, disait Tom, mais à rien d'autre.
Il voulait dire le compas.
- Les instruments peuvent se détraquer, disait-il. Si tu ne peux pas piloter sans badin, sans altimètre, sans indicateur de virage et d'inclinaison, ça veut dire que tu ne sais pas piloter. Tu es comme quelqu'un qui ne sait ce qu'il pense qu'après avoir lu son journal. Mais tu n'as pas besoin de te méfier du compas - ton jugement ne sera jamais plus exact que celui de l'aiguille. Elle te dira où tu dois aller, et pour le reste c'est à toi de te débrouiller."

(Beryl MarkhamVers l'Ouest avec la nuit)

Quand sera terminée l'ère des grands pilotes

"Quand sera terminée l'ère des grands pilotes, comme est terminée l'ère des grands marins, quand ils auront été dépassés par les créations de la technique, par des roues d'acier, des disques de cuivre et des fils arachnéens qui feront parler des cadrans blancs malgré leur mutisme, je crois que toute la science des pilotes pourra être concentrée dans le périmètre d'un tableau de bord, mais pas leur enthousiasme.
Un jour, les hommes connaîtront les étoiles aussi bien que les bornes, les virages et les mouvements de terrain de la route qui mène chez eux; un jour nous nous déplacerons dans les airs comme dans notre milieu naturel. Mais alors on ne saura plus piloter; il n'y aura plus que des passagers dans des machines dirigées par des super-contrôleurs, soigneusement formés pour pouvoir distinguer des boutons étiquetés et pour lesquels la connaissance du ciel, du vent, des intempéries n'aura pas plus d'intérêt qu'un roman de science-fiction. Et on se rappellera les jours de la marine à voile, et les gens se demanderont si le terme voilier s'applique aux pionniers de la mer ou à ceux du ciel."

(Beryl MarkhamVers l'Ouest avec la nuit)

Naissance d'une vie de pilote

"Tom commença mon apprentissage sur un DH Gipsy Moth, et son hélice pulvérisait le silence de l'aube sur les plaines de l'Athi. Nous nous balancions au-dessus des collines, au-dessus de la ville, puis nous revenions, et je compris comment un homme peut être maître d'un avion, et comment un avion peut être maître d'un élément. Je vis l'alchimie de la perspective réduire le monde que je connaissais, et tout le reste de ma vie, aux dimensions de grains de blé dans une tasse. J'appris à observer, à mettre ma confiance dans d'autres mains que les miennes. Et j'appris à partir à l'aventure. J'appris ce que tout enfant imaginatif a besoin de savoir - qu'il n'existe pas d’horizon si lointain qu'on ne puisse survoler et dépasser."

(Beryl MarkhamVers l'Ouest avec la nuit)

Quand vous volez...

"Quand vous volez, dit le jeune homme, vous avez l'impression de posséder le monde, plus que si vous étiez propriétaire de toute l'Afrique. Vous sentez que tout ce que vous voyez vous appartient - ce qui avant était en morceaux forme un tout, et ce tout est à vous; non pas parce que vous le voulez, mais parce que, seul dans votre avion, vous n'avez personne avec qui partager. Tout est là, et tout est à vous. Vous vous sentez plus grand que vous n'êtes - plus proche d'un idéal que vous pensiez vaguement être capable d'atteindre mais que vous n'aviez jamais eu le courage d'envisager sérieusement."

(Beryl Markham, Vers l'Ouest avec la nuit)

Spartiate

"J'avais deux sacoches de selle, et Pégase. Les sacoches contenaient la couverture du poney, sa brosse, un rogne-pied de maréchal-ferrant, six livres d'avoine concassée et un thermomètre, à titre de précaution contre la fièvre africaine du cheval. Pour moi, les sacoches contenaient un pyjama, un pantalon, une chemise, une brosse à dents et un peigne. Jamais je n'ai possédé si peu de choses, et je ne suis pas sûre qu'il m'en ait jamais fallu davantage."

 (Beryl Markham, Vers l'Ouest avec la nuit)

Les voyages forment...

"Quelqu'un a dit un jour, affichant un cynisme facile: "Les voyages déforment la jeunesse." Mais certains voyages m'ont formée.
Grâce à eux, j'ai appris que quand on quitte un lieu où on a vécu, que l'on a aimé, où tout votre passé est ancré, il ne faut surtout pas le quitter lentement, il faut en partir aussi vite que possible. Il ne faut pas se retourner, il ne faut pas croire que les heures qui revivent dans votre mémoire sont meilleures parce qu'elles appartiennent à une époque révolue. On se sent en sécurité dans le passé, on l'a surmonté, alors que l'avenir est enveloppé d'un nuage qui de loin paraît terrifiant. Le nuage s'éclaircit quand on y pénètre. Voilà ce que j'ai appris, comme tout un chacun, mais je l'ai appris tard."

(Beryl Markham, Vers l'Ouest avec la nuit)

lundi 2 janvier 2017

L'art de l'écoute

"Écoute, présence, attention. Qu'entendons-nous par ces notions si nécessaires à notre vie? Il me semble que l'on pourrait définir l'écoute comme une présence sans parole face à autrui, pendant laquelle toute notre attention, toute ma conscience, est tournée vers ce que dit autrui. C'est une attitude complexe, où l'on donne et où l'on reçoit."

(Christophe André dans Christophe André, Alexandre Jollien et Mathieu Riccard, Trois amis en quête de sagesse)

Méditer

"Méditer, c'est apprendre à désamorcer les bombes qui pleuvent dans notre esprit et laisser s'évaporer ces scénarios auxquels nous croyons dur comme fer. Quand le mental nous sert comme sur un plateau le pire du pire, simplement regarder, ne rien faire. M'abstenir de réagir relève parfois d'un courage presque inhumain lorsque la tempête mentale fait rage. Ce qui aide, c'est de constater que l'intempérie qui ébranle mon ego peut être à dix sur l'échelle de Richter émotionnelle sans que j'en meure pour autant. Inlassablement, toujours, il s'agit de laisser passer l'émotion qui, si nous ne l'alimentons pas, s'épuise d'elle même. Cette longue ascèse, réitérée mille fois par jour, consiste à se laisser flotter parmi les vagues pour voir qu'elles ne durent pas."

(Christophe André, Alexandre Jollien et Mathieu Riccard, Trois amis en quête de sagesse)