jeudi 31 mars 2005

Vivre

"Vivre de telle sorte qu'il te faille désirer revivre, c'est là ton devoir."

(Nietzsche)

mercredi 30 mars 2005

Vivre actuellement

"Notre éducation nous a appris à vivre entre ce qui est actuel et ce qui pourrait être. Dans leur intervalle - l'intervalle du temps et de l'espace - se situent toute notre éducation, notre moralité, nos luttes. Nous accordons à l'actuel un regard distrait et nous projetons vers l'hypothétique un regard peureux ou un regard d'espérance."

(Krishnamurti, La Révolution du Silence)

mardi 29 mars 2005

Amours textuels

"Le texte dont on tombe amoureux est celui dans lequel on ne cesse d'apprendre ce qu'on savait déjà."

(Vincent Descombes, Le Même et l'Autre)

lundi 28 mars 2005

La démocratisation de la culture

"Héritiers des Lumières, nous devons respecter la connaissance et valoriser l'instruction, qui ruinent le déterminisme de la race ou de la classe. Dans ce contexte, l'accès de tous à la culture est un enjeu démocratique majeur. Lire, s'ouvrir aux autres, comprendre et rêver ne sont pas seulement des distractions, mais le fondement d'un épanouissement personnel, une assurance contre la xénophobie, contre le repli identitaire et la haine de l'autre. La démocratisation de la culture devra être au coeur de notre politique culturelle."

(Laurent Fabius, Le Monde, vendredi 12 mars 2004)

dimanche 27 mars 2005

Ce que j'aime, c'est partir

"Ce que j'aime, c'est partir, prendre la route. L'espace, le présent, l'oubli. La route c'est moi, c'est un serpent, et le chemin étendu derrière moi c'est mon ancienne peau que j'abandonne, encore. La route c'est ma vie, me défaire continuellement de mes enveloppes, m'extraire de moi pour renaître neuve, brillante, donner le jour à l'inconnue qui veille en moi, à fleur de peau, dans l'attente de sa libération."

(Alina Reyes, Quand tu aimes, il faut partir)

samedi 26 mars 2005

La recherche : une occupation fascinante

"Research can be a fascinating occupation. It incorporates many elements of a mystery novel; the heroes and heroines (researchers), the crimes (societal or theoretical problems), villains (unexpected crises, frustrating computer software and occasionally even recalcitrant subjects), deductions and inductions (hypotheses and theories), the investigation (systematic and objective examination and analysis of data) and of course, suspense (waiting for the resolution). On rare occasions there might even be a surprise ending when, in addition to answering the major question or hypothesis, some unanticipated finding occurs.”

(Natalie L. Sproull, Handbook of research methods : a guide for practitioners and students in the social sciences)

lundi 21 mars 2005

La fin d'une vocation

"Mais elle ne voulait pas vivre à l'hôpital. Dans ces chambres de repos pour les infirmières de garde, règne toujours une odeur de désinfectant. Toute la journée, dans cet univers de draps blancs, de blouses blances, de moustiquaires blanches, de masques blancs, elle semble n'avoir en propre que ses yeux et ses sourcils. L'alcool, les pinces, les pincettes, le cliquetis des ciseaux et des bistouris, le lavage répété des mains, les bras continuellement plongés dans le désinfectant au point que la peau devient blanche et terne, elle perd la couleur du sang."

(Gao Xingjian, La montagne de l'âme)

dimanche 20 mars 2005

Un chagrin de passage

"Tout était devenu léger, sans conséquence, sans avenir et donc sans suite. Cela rendait la vie, d'une certaine manière, plus agréable de la savoir gratuite, ou idem, sur le point de s'achever. Il n'y avait plus rien à exploiter, à conserver, à utiliser. Rien n'était plus ni vendable, ni productif, ni positif : ces mots qui toute son existence lui avaient cassé les pieds. Tout était offert, enfin sans rapport avec l'effort produit ni avec le prix à en retirer."

(Françoise Sagan, Un chagrin de passage)

samedi 19 mars 2005

Sauter à la corde

"Aucun adulte dans cette vie - que des enfants préoccupés d'un jouet cassé ou refusé. Rares parmi eux ceux qui, oubliant de geindre, se saisissent de la première lumière venue pour sauter à la corde. Ceux-là sont de bons compagnons. La terre est par eux enchantée."

(Christian Bobin, Autoportrait au radiateur)

vendredi 18 mars 2005

Arrachement, délivrance et envol

"Il était entré dans un travail d'ombre. La mort immense s'engouffrait dans son corps de deux centimètres pour le déchirer. Ses ailes tremblaient, battaient contre le béton rugueux de la terrasse. Les papillons de nuit, quand le jour les surprend, ressemblent à des noceurs tristes, des joueurs au retour du casino, des êtres après la fin du monde, après la fin de leur monde. En rampant et vibrant des ailes comme un fou, il s'est approché de la porte vitrée, puis d'un seul coup a ressaisi ses forces, a décidé que non, que ce ne serait pas pour cette fois-ci, et il s'est envolé dans la lumière gris-jaune. Plus il s'élevait, plus il reprenait de forces. Il a disparu. Ma journée ne pouvait mieux commencer que par cette vue-là. Je ne cherche rien d'autre dans le monde et sur la page, d'abord dans le monde, ensuite sur la page : arrachement, puis délivrance et envol."

(Christian Bobin, Autoportrait au radiateur)

jeudi 17 mars 2005

De la persévérance ?

"Essayez quelque chose et si ça ne fonctionne pas, essayez autre chose."

(Roosevelt)

mercredi 16 mars 2005

Du temps qui passe

"Tu sais ce qui est beau, ici ? Regarde : on marche, on laisse toutes ces traces sur le sable, et elles restent là, précises, bien en ligne. Mais demain tu te lèveras, tu regarderas cette grande plage et il n'y aura plus rien, plus une trace, plus aucun signe, rien. La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n'avait jamais passé. Comme si nous n'avions jamais existé. S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. Ce n'est pas une vie fausse, et ce n'est pas une vie vraie. C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre."

(Alessandro Baricco, Océan mer)

mardi 15 mars 2005

Mon pays, c'est le silence

"Je n'aime pas la neige, ni le froid, ni l'hiver. Je hais l'hiver. Mais il existe un jour dans l'année, un moment magique que même le cinéma ne peut reproduire. Tu t'éveilles un matin, et dans ta maison la lumière t'aveugle. Dehors, le soleil brille deux fois plus qu'au beau milieu de l'été, et tout ce qui depuis des semaines était sale, gris, brun, feuilles mortes, boues mêlées de fleurs fânées, tout ce que l'automne enveloppait de sa morbidité, tout cela est, ce matin-là, plus blanc que ton chemisier le plus blanc. Mieux encore, cette blancheur scintille de milliards d'étoiles qui te font penser que quelqu'un a semé de la poussière de diamant dans la terre blanche. Cela dure quelques heures, parfois une journée. Puis la saleté, qui suinte des villes comme la sueur des corps, souille cette fragile pureté. Mais dans nos grands espaces, loin des villes, sur nos collines qui ne sont que de petites bosses à côté des tiennes, la blancheur de la neige se fait un lit durant des mois. Et dans ce lit s'installe le silence. Tu ne connais pas le silence. Tu ne peux imaginer comment il enveloppe et habille. Le silence dicte le rythme de ton coeur et celui de tes pas. Ici, tout parle. Tout jacasse et hurle et soupire et crie. Pas une seconde qui ne soit ponctuée d'un son, d'un bruit, d'un aboiement. Chaque arbre est un haut-parleur, chaque maison, une caisse de résonance. Donc, il y a ce mystère dans mes collines, le silence. Je sais, tu as peur du silence, tu me l'as dit. Mais ce n'est pas le vide comme tu crois. C'est lourd et oppressant, car pas un chant d'oiseau, pas un bruit de pas, pas un son d'une musique ou d'une parole ne parvient à nous détourner de nous-mêmes. Tu as raison, le silence est effrayant car dans le silence on ne peut pas mentir."

(Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali)

lundi 14 mars 2005

Pensée uniforme

"Dans chaque maison, des deux côtés de la chaussée, brille la lampe dorée du living-room où l'écran de télévision met une tache bleutée. Chaque famille regarde religieusement le même spectacle. Personne ne parle. Les cours sont silencieuses. Seuls quelques chiens aboient, étonnés d'entendre les pas d'un homme, étrangement dépourvu de roues. Alors vous comprendrez ce que je veux dire si vous constatez que tous les hommes commencent à penser la même chose au même moment et que les fous du Zen sont retournés à la poussière, avec un dernier rire sur leurs lèvres mortes."

(Jack Kerouac, Les clochards célestes)

samedi 12 mars 2005

La pensée à moitié assassinée

"Vous parlez lorsque vous cessez d'être en paix avec vos pensées; Et lorsque vous ne pouvez rester davantage dans la solitude de votre coeur vous vivez dans vos lèvres, et le son est un divertissement et un passe-temps. Et dans une large part de vos discours, la pensée est à moitié assassinée. Car la pensée est un oiseau de l'espace, qui dans une cage de mots peut ouvrir ses ailes mais ne peut voler."

(Khalil Gibran, Le prophète)

jeudi 10 mars 2005

Notre ange gardien

"Un homme arrive au paradis. Il demande à un ange, à son ange, de lui montrer le chemin qu'ont dessiné ses pas sur terre, par curiosité. Par enfantin désir de voir et de savoir. Rien de plus simple, dit l'ange. L'homme contemple la trace de ses pas sur cette terre, depuis son enfance jusqu'à son dernier souffle. Quelque chose l'étonne parfois, il n'y a plus de traces. Parfois, le chemin s'interrompt et ne reprend que bien plus loin. L'ange dit alors parfois votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter, je vous prenais donc dans mes bras, jusqu'au jour suivant où la joie vous revenait, et alors vous repreniez votre chemin."

(Christian Bobin)