jeudi 31 décembre 2009

"Pourquoi voyager? Je fais dix mètres dehors et je suis envahi de visions, submergé: je ne marche pas sous le ciel mais au fond de lui, avec sur mon crâne des tonnes de bleu. Je suffoque de tant respirer, rassasié d'air et de lumière. En dix secondes j'ai fait une promenade de dix siècles. La vie a une densité explosive. Un minuscule caillou contient tous les royaumes."

(Christian Bobin, Les ruines du ciel)

mercredi 30 décembre 2009

"Ça fait du bruit, une pensée, et le goût de lire est un héritage du besoin de dire."

(Daniel Pennac, Chagrin d'école)

vendredi 18 septembre 2009

"Quiconque a côtoyé la mort est condamné à la poésie."

(Boris Cyrulnik)

lundi 17 août 2009

Chant liturgique

"Plage. Et mer. Lumière. Le vent du nord. Le silence des marées. Des jours. Des nuits. Une liturgie."

(Alessandro Baricco, Océan Mer)

mercredi 5 août 2009

Congé de soi

"C'est un endroit, ici, où tu prends congé de toi-même. Ce que tu es se détache doucement de toi, peu à peu. Et à chaque pas, tu le laisses derrière toi, sur ce rivage qui ne connaît pas le temps et ne vit qu'un seul jour, toujours le même. Le présent disparaît et tu deviens mémoire. Tu te défais de tout, tes peurs, tes sentiments, tes désirs: tu les conserves, comme des habits qu'on ne met plus, dans l'armoire d'une sagesse que tu ne connaissais pas, et d'une tranquilité que tu n'espérais pas. Est-ce que tu peux me comprendre? Est-ce que tu peux comprendre combien tout cela est beau? (...) C'est une manière de tout perdre, pour tout trouver."

(Alessandro Baricco, Océan Mer)

mardi 4 août 2009

Temps

"Tu sais ce qui est beau, ici? Regarde: on marche, on laisse toutes ces traces sur le sable, et elles restent là, précises, bien en ligne. Mais demain tu te lèveras, tu regarderas cette grande plage et il n'y aura plus rien, plus une trace, plus aucun signe, rien. La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n'était jamais passé. Comme si nous n'avions jamais existé. S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. Ce n'est pas une vie fausse, et ce n'est pas une vie vraie. C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre."

(Alessandro Baricco, Océan Mer)

lundi 3 août 2009

Océan mer

"Quand tu la regardes, tu ne t'en rends pas compte: le bruit qu'elle fait. Mais dans le noir... Toute cette infinitude alors n'est plus que fracas, muraille de sons, hurlement lancinant et aveugle. Tu ne l'éteins pas, la mer, quand elle brûle dans la nuit."

(Alessandro Baricco, Océan Mer)

dimanche 2 août 2009

Et surtout souris

"...n'oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu'une peur. Souris pour croire que rien n'importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l'épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever et jusqu'à ce que tu en crèves de ce permanent sourire."

(Albert Cohen, Le livre de ma mère)

jeudi 2 juillet 2009

Amour

"Aimer quelqu’un qui vous aime aussi, c’est du narcissisme. Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas, ça, c’est de l’amour."

(Beigbeder)

mercredi 1 juillet 2009

On the road

"Le ciel est haut, le monde est vaste, le temps vient juste de commencer et le siècle est au plus beau. Partons en quête de l'infinie beauté."

(Antonine Maillet, Le Mystérieux Voyage de Rien)

lundi 29 juin 2009

"L'amitié, que je pratique pourtant à la façon d'un solitaire, aura compté parmi mes plus grandes sources de joie. Mais la présence de ma mère, dont je ne me fis jamais une amie, fut plus que cela. On ne m'entendra pas dire que l'amitié n'est pas profonde: elle l'est toujours, puisqu'elle exige du soin et du temps. Seulement, il y avait entre ma mère et moi une compréhension mutuelle que ne possède pas l'amitié, et dont la source souterraine venait de plus loin que le bel affluent où se rejoignent les amis. J'aurai voulu encore longtemps de ce mystérieux bonheur. La mort en aura décidé autrement."

(Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse)

dimanche 28 juin 2009

Cette année s'envole ma jeunesse

"Certes, cette année m'avait changé. J'avais vieilli, mais ce partage trop soudain entre le passé et l'avenir ne m'avait pas brisé. J'étais toujours cet homme désarmé et qui pourtant survit à tout, précisément parce qu'il s'adapte à tout. Plus pensif, je n'étais pas plus absorbé. Je demeurais perplexe, mais n'étais pas moins étonné. Je commençais à peine à m'apercevoir que, à part quelques courts épisodes d'amitié assez intenses, j'avais vécu presque toute une année dans la solitude. Je me découvrais peu impressionné par ce solitaire qui sans cesse avait été occupé d'étoiles, d'arbres, de livres, de chiens. Je ne m'applaudis pas davantage à présent. Je me réjouis seulement de ce que mon pressentiment fut le bon: j'avais été à l'étroit dans la jeunesse."

(Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse)

vendredi 26 juin 2009

"Celui qui a des idées très fixes, rigides, des certitudes, ne peut être un artiste. Faire de l'art, c'est explorer des domaines qu'on ne comprend pas et qui vous échappent."

(Paul Auster, La solitude du labyrinthe)

lundi 22 juin 2009

"S'il nous arrive de ne pas marcher au pas de nos compagnons, la raison n'en est-elle pas que nous entendons un tambour différent? Allons suivant la musique que nous entendons quels qu'en soient la mesure ou l'éloignement."

(Henry David Thoreau)

dimanche 21 juin 2009

Artriste

"On croit à tort que les artistes pansent leurs blessures avec leur oeuvre. Mais le bel arc de la sculpture, la phrase touchante du livre, l'inoubliable note de la chanson, toutes ces empreintes laissées sur les sens ne sont jamais que d'autres larmes, d'autres cris et d'autres appels."

(Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse)

jeudi 18 juin 2009

"Je ne veux pas dire que le chagrin et l'absence sont formateurs. Ils ne le sont jamais. C'est la profondeur qui nous forme. Et j'ai ressenti que la perte de ma mère avait été, avec la rencontre de l'amour, l'expérience de la douleur physique intense et la découverte d'une joie innée dans le corps, l'un des événements les plus profonds de mon existence."

(Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse)

dimanche 14 juin 2009

"Quand le Bon Dieu en vient à douter du monde, il se rappelle qu'il a créé la Provence."

(Frédéric Mistral)

lundi 1 juin 2009

"les enfances résonnent
c'est épouvantable de beauté"

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

dimanche 31 mai 2009

Joie

"ton amertume, tu la gardes pour les jours noirs
les semaines de fuite
profondément tue dans un trou de fourmi
ton amertume, tu la documentes
l'analyses, la guéris en partie
(sans trop bien savoir de quelle partie il s'agit)
tout à coup le silence fait moins de bruit
légère et concentrée, tu passes tel un ange
et le malaise des autres n'a plus rien de troublant
les enfants arrivent et tu veilles au grain
toi-même une enfant à l'âme de grand-maman
dans le corps souple d'une femme naïve
historienne et protectrice de l'eau au moulin
porteuse des dépêches
aide de camp des capitaines perdus
vigie perchée au mât de la tempête
sonnée par la frappe du vent mouillé
la cohue des multiples mutineries
contre la vie."

(Hélène Monette, Thérèse pour joies et orchestre)

lundi 25 mai 2009

Métaphysique des chaises

"J'avais dans ma maison trois chaises: une pour la solitude, deux pour l'amitié, trois pour la société. Lorsque les visiteurs s'en venaient en nombre plus grand et inespéré, il n'y avait pour eux tous que la troisième chaise, mais généralement ils économisaient la place en restant debout. C'est surprenant la quantité de grands hommes et de grandes femmes qui contiendra une petite maison. J'ai eu jusqu'à vingt-cinq ou trente âmes, avec leurs corps, en même temps sous mon toit, et cependant il nous est arrivé souvent de nous séparer sans nous rendre compte que nous nous étions rapprochés les uns des autres. Beaucoup de nos maisons, à la fois publiques et privées, avec leurs pièces presque innombrables, leurs vestibules démesurés et leurs caves pour l'approvisionnement de vins et autres munitions de paix, me semblent d'une grandeur extravagante pour leurs habitants."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

dimanche 17 mai 2009

"Nous nous rencontrons à de très courts intervalles, sans avoir eu le temps d'acquérir de nouvelle valeur l'un pour l'autre. Nous nous rencontrons aux repas trois fois par jour, pour nous donner réciproquement à regoûter de ce vieux fromage moisi que nous sommes. Nous avons dû consentir un certain ensemble de règles, appelées étiquette et politesse, afin de rendre tolérable cette fréquente rencontre et n'avoir pas besoin d'en venir à la guerre ouverte. Nous nous rencontrons à la poste, à la récréation paroissiale et autour du foyer chaque soir; nous vivons en paquet et sur le chemin l'un de l'autre, trébuchons l'un sur l'autre, et perdons ainsi, je crois, du respect de l'un pour l'autre. Moins de fréquence certainement suffirait pour toutes les communications importantes et cordiales."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

lundi 11 mai 2009

Who are you ?

"Some people are born to sit by a river
Some people get struck by lightning
Some have an ear for music
Some are artists
Some swim
Some know Shakespeare
Some are mothers
And some people dance."

(The curious case of Benjamin Button, film réalisé par David Fincher)

dimanche 10 mai 2009

Bonne fête aux mamans

Passées, présentes et à venir...




See you soon...

dimanche 3 mai 2009

Métaphore

"Je crois que les hommes ont en général encore un peu peur de l'obscurité, malgré la pendaison de toutes les sorcières, et l'introduction du christianisme et des chandelles."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

lundi 27 avril 2009

"Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été."

(Albert Camus)

dimanche 26 avril 2009

"C'est le commencement qui est le pire, puis le milieu, puis la fin; à la fin, c'est la fin qui est le pire."

(Samuel Beckett)

samedi 25 avril 2009

"Il arrive qu'on adore
des personnes
qui nous brisent."

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

vendredi 24 avril 2009

Gospels

"parfois je nous vois tous en petites jaquettes d'hôpital
bleu souffrance, dispersés dans les lits cireux de la douleur
hommes forts et femmes à l'avenant
prouesses d'évangile et des modes technos subséquents
tout à coup, dans un plan-séquence fragilisé
par le regard embué et les mains qui ne tiennent plus
aucune perspective
tombant
sous les secousses sismiques
les aléas violents de la lourde existence
désormais sans position
désarmés et frêles comme des soldats d'hôpital
errants dans leur frayeur de mourants

mais il est si difficile de voir les femmes fortes
et les hommes à l'avenant
autrement que dans leur gloire sociologique
leur abstraction matérialiste
ce que l'on voit sans rien saisir
ni la vitesse de l'accumulation, ni le rythme flou
ce qui détraque la capacité d'absorption
et la présence au monde

inutile d'y porter le regard autrement
alors je replace les cravates
les bas noirs, tous les morceaux
les Grands Mécanismes
leurs suites sur le tableau
et le flou reprend son lot
dans le pesant exact de la vie"

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

dimanche 19 avril 2009

Nocturne

"tandis que je me brise cet hiver-là
(trop de sang, de dépérissement et de fins du monde)
tu agonises tout l'hiver écroulée dans ton lit
écartelée le printemps durant entre tes souffrances
et les campements de la mort
dévastée par les ruines d'un été de morphine
petit squelette, à l'automne, ta vie s'éteint.

(...)

moi aussi, Maman, la mort me suit
même qu'elle court vue d'ici
je n'ai qu'à fermer les yeux
chercher mon souffle
et...

(...)

la mort me suit, Maman, la mort nous suit
t'inquiète, je l'ai bien vue
je passe mes journées en sa doucereuse compagnie
là où je vis, dans la poussière des papillons
dans une allée éclairée du crépuscule des anges."

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

samedi 18 avril 2009

"Si nous ne respections que ce qui est inévitable et a droit à être respecté, musique et poésie retentiraient le long des rues. Aux heures de mesure et de sagesse, nous découvrons que seules les choses grandes et dignes sont douées de quelque existence permanente et absolue, - que les petites peurs et les petits plaisirs ne sont que l'ombre de la réalité. Celle-ci toujours est réjouissante et sublime. En fermant les yeux et sommeillant, en consentant à se laisser tromper par les apparences, les hommes établissent et consolident leur vie quotidienne de routine et d'habitude partout, qui encore est bâtie sur des fondations purement illusoires."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

mardi 14 avril 2009

"Renouvelle-toi complètement chaque jour; et encore, et encore, et encore à jamais."

(Caractères gravés sur la baignoire du roi Tching-thang)

lundi 13 avril 2009

Possessions

"Lorsqu'il m'est arrivé de rencontrer un immigrant qui chancelait sous un paquet contenant tout son bien - énorme tumeur, eût-on dit, poussée sur sa nuque - je l'ai pris en pitié, non parce que c'était, cela, tout son bien, mais parce qu'il avait tout cela à porter. S'il m'arrive d'avoir à traîner mon piège, j'aurai soin que c'en soit un léger et qu'il ne me pince pas en une partie vitale. Mais peut-être le plus sage serait-il de ne jamais mettre la patte dedans."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

vendredi 10 avril 2009

Pauvreté volontaire

"Travaillerons-nous toujours à nous procurer davantage, et non parfois à nous contenter de moins? (...) C'est le voluptueux, c'est le dissipé, qui lancent les modes que si scrupuleusement suit le troupeau."

(Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois)

jeudi 9 avril 2009

Rôle des artistes

"C'est le rôle des artistes de s'engager. Il faut donner à voir ce qui nous préoccupe."


Image : www.myspace.com/iowana

(Enki Bilal)

lundi 6 avril 2009

"moi, j'arpente le monde
dans un décor de planète bleue
croûtée de rouges imbuvables
et je te demande
Que faire de ma colère?
Où vais-je aller avec cette violence?
"

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

dimanche 5 avril 2009

"le chuchotement final avec un signe de la main
le grand sourire aux petits yeux
et la porte du bloc qui claque"

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

vendredi 3 avril 2009

R.E.P.


"tu es toute ma mémoire, bonté divine
où t'es-tu envolée?"

(Hélène Monette, Thérèse pour joie et orchestre)

mardi 31 mars 2009

Actualité actuelle?

"Voilà en quoi les courtisans de l'Actualité se trompent. Ils ne savent pas que les situations que l'Histoire met en scène ne sont éclairées que pendant les toutes premières minutes. Aucun événement n'est actuel dans toute sa durée, mais seulement pendant un laps de temps très bref, au tout début. Les enfants mourants de Somalie que des millions de spectateurs regardaient avidement ne meurent-ils plus? Que sont-ils devenus? Ont-ils grossi ou maigri? La Somalie existe-t-elle encore? Et après tout, a-t-elle jamais existé? Ne serait-ce pas que le nom d'un mirage?"


Photo: www.alterinfo.net/photo/929465-1151214.jpg

(Milan Kundera, La lenteur)

lundi 30 mars 2009

La source de la peur

"...est dans l'avenir, et qui est libéré de l'avenir n'a rien à craindre."

(Milan Kundera, La lenteur)

samedi 21 mars 2009

Part manquante

"L'absence de ta présence me stupéfie
La présence de ton absence aussi."

(Christian Lapointe)

jeudi 19 mars 2009

Une cohabitation de temps

"À la télé, une vieillarde, les cheveux blancs ramassés en une queue de cheval négligée, portant des habits d'une autre époque, des épaisseurs de tuniques de soie et de coton, beiges, gris, bruns, crème, par-dessus des collats-bottes ivoire, marche plus que lentement sur un trottoir achalandé de Tokyo où des centaines d'hommes et de femmes, mallette et sacs à la main, courent à tous vents, esquivant les centaines de petites voitures qui roulent à vive allure et pénètrent dans d'immenses buildings. Au coeur du brouhaha qui tourbillonne autour d'elle, la vieillarde avance d'un pas, puis elle rassemble ses pieds, s'arrête, agite une clochette de bronze, la laisse résonner, attend quelques secondes et repart, rassemblant ses pieds, s'arrêtant, sonnant la clochette, attendant et repartant, annonçant à chaque drelin la naissance d'une fleur, d'une abeille, d'une vague, que je m'invente. La vieille dame crée un rayon autour d'elle. Personne ne la dérange. Elle ne dérange personne. On la contourne, pressé. Une cohabitation de temps."

(Geneviève Robitaille, Désamours)

lundi 9 mars 2009

Un 12 novembre, près de Kandahar

"Une quinzaine de jeunes filles se rendaient à l'école. Des motocyclistes les ont encerclées et aspergées d'acide. C'était le 12 novembre, près de Kandahar, en Afghanistan. Une fillette en garde des traces au visage. C'est ce genre d'événement qui justifie la présence d'armées étrangères dans ce coin du monde."

(Jean-François Lisée, "Dur, dur d'être terroriste", L'actualité, février 2009, p.51)

mercredi 11 février 2009

Adieu Charles

"Je serai désormais
la voix du silence,
l'ombre à votre gauche les jours
de grande lumière, le son des pas sur les cailloux,
le temps qui passe et passe si lentement, si vite... "

(Jean-Paul de Dadelsen, Jonas et autres poèmes, en mémoire de Charles décédé le 8 février 2009 d'un cancer du cerveau)

dimanche 8 février 2009

Polytechnique

"(...) Car l'art est là pour déplacer notre regard sur les choses. Les traumatismes sont comme les tabous, ils se nourrissent de silence, d'appréhension et de déni. Il vient un jour où la prise de parole n'est même plus un choix, mais une nécessité. Si une oeuvre qui traite d'une tragédie comme Polytechnique réveille des émotions enfouies, c'est pour les révéler. L'art touche, bouleverse, secoue, atteint, mais il ne blesse pas. Il peut évoquer les zones douloureuses sans nous faire mal. Il ne réssuscite pas le réel, mais lui donne une résonance. Il n'accable pas, il élève. La puissance et la nécessité de l'art dramatique réside précisément dans cette capacité d'exprimer et de nous faire sentir des émotions intenses sans nous aveugler, comme cela se produit dans la vie réelle. Ce faisant, la tragédie constitue une expérience de clarté qui nous "désenfouit" de l'opacité du monde réel. On quitte alors le film ou la pièce avec quelque chose de plus, une conscience enrichie. Le reste n'est plus qu'affaire de goût et de disposition personnelle."

(Gilbert Turp, "Art et tragédie", Le Devoir, jeudi 5 février 2009, p.A6)

"Avec le temps, les choses s'amoindrissent" a-t-il fini par dire, en sortant un stylo. Il a dessiné un tableau, avec une courbe qui descend doucement. Il m'a tendu le bout de papier. "Voilà. C'est l'expression mathématique d'un sentiment", a-t-il lancé en souriant.

(Rima Elkouri, "Elles étaient ses étudiantes", La Presse, samedi 7 février 2009, p.A9)

samedi 7 février 2009

Le temps qui s'envole

"Lorsque j'étais enfant, je vivais dans la lenteur et dans la permanence. Je rêvais de fêtes à venir. Une journée paraissait une année, et une année une éternité. Mais, quand j'ai compris que le passé ne revenait jamais, le temps a commencé à s'envoler et la beauté et le bonheur sont devenus sources de regret."

(Shan Sa, Porte de la paix céleste)

vendredi 6 février 2009

Le livre tombal

"Ce qui me paraît être le plus proche d'un livre, jusque dans sa forme même, c'est une tombe. Sous la couverture du livre comme sous la pierre tombale, il y a une âme qui attend une résurrection. La lecture exhume, et il y a quelque chose dans un livre qui peut à la fois revivre et nous ressusciter. Soulever la couverture d'un livre, c'est soulever une pierre tombale et entrer dans le royaume des morts."

(Christian Bobin, La lumière du monde)

jeudi 5 février 2009

Ce qui nous rend intelligents

"Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour ou une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligents, parce qu'ils nous rendent ignorants."

(Christian Bobin, La lumière du monde)

mercredi 4 février 2009

La musique hurle

"Si, jadis, on écoutait la musique par amour de la musique, aujourd'hui elle hurle partout et toujours, "sans se demander si on a envie de l'écouter", elle hurle dans les haut-parleurs, dans les voitures, dans les restaurants, dans les ascensceurs, dans les rues, dans les salles d'attente, dans les salles de gymnastique, dans les oreilles bouchées des walkmen, musique réécrite, réinstrumentée, raccourcie, écartelée, des fragments de rock, de jazz, d'opéra, flot où tout s'entremêle sans qu'on sache qui est le compositeur (la musique devenue bruit est anonyme), sans qu'on distingue le début ou la fin (la musique devenue bruit ne connaît pas la forme) : l'eau sale de la musique où la musique se meurt."

(Milan Kundera, L'ignorance)

mardi 3 février 2009

L'écoute véritable

"Nous est-il possible d'écarter tous ces écrans à travers lesquels nous écoutons - et d'écouter vraiment ?"

(Jiddu Krishnamurti, Le livre de la méditation et de la vie)

lundi 2 février 2009

Séparation

"Et il en a toujours été ainsi de l'amour, il ne connaît sa véritable profondeur qu'à l'instant de la séparation."

(Khalil Gibran, Le prophète)

dimanche 1 février 2009

Ouvrir les yeux sur le monde

"Je me remis au travail - à ce travail que ne me valait aucun salaire mais que Dieu dès mon plus jeune âge m'avait donné : voir. Ouvrir les yeux sur un monde dont l'apparence était sombre et la substance miraculeuse."

(Christian Bobin, Louise Amour)

samedi 31 janvier 2009

La mort : notre étoile du Nord

"Il faut perdre pour apprendre et j'apprenais beaucoup. La vie cache les vivants. Elle les soûle, elle les empêtre dans mille liens futiles, elle les remplit comme des épouvantails avec la paille des soucis ou le papier chiffon des projets. Arrive la mort - ou la grâce d'une épreuve sans issue imaginable - et l'épouvantail brûle en une seconde et du feu surgit un vivant absolu, une personne non encombrée d'elle-même ni infestée par le monde, un tout petit éclat bleuté du grand vitrail de Dieu - une âme. La mort est le repère des repères, l'étoile du Nord. Sans elle, la conscience est perdue."

(Christian Bobin, Louise Amour)

vendredi 30 janvier 2009

Égocentrisme

"Comment pouvez-vous aimer, alors que vous ne vous préoccupez que de vous-même, de vos problèmes, de vos ambitions, de votre soif de réussite, de votre désir si insatiable, de votre rang - vous d'abord, l'autre après ? Ou l'inverse - l'autre d'abord, vous après, ce qui revient au même."

(Jiddu Krishnamurti, De l'amour et de la solitude)

dimanche 25 janvier 2009

Relations fondées sur le plaisir

"Notre société est fondée sur le plaisir, ainsi que toutes nos relations. Tant que j'agis en fonction de ce qui vous plaît, que je vous aide à progresser en affaires, vous êtes mon ami; mais dès que je vous critique, je ne suis plus votre ami. C'est si évident - et tellement stupide !"

(Jiddu Krishnamurti, De l'amour et de la solitude)

samedi 24 janvier 2009

Théâtre : Mode d'emploi

"Le théâtre c'est simple : tu t'assieds dans le noir et tu écoutes la lumière."

(Christian Bobin, Ressusciter)

jeudi 22 janvier 2009

The Wine's Metaphor

"I like to think about the life of wine. How it's a living thing. I like to think about what was going on the year the grapes were growing, how the sun was shining, if it rained. I like to think about all the people who tended and picked the grapes and, if it's an old wine, how many of them must be dead by now. I like how wine continues to evolve. Like, if I opened a bottle of wine today it would taste different than if I'd opened it on any other day. Because a bottle of wine is actually alive and it's constantly evolving and gaining complexity. That is, until it peaks like your '61. And then it begins its steady inevitable decline. And it tastes so fucking good."

(Extrait de Sideways, film de Alexander Payne)

mercredi 21 janvier 2009

Politically "Cowrect"

"1. SOCIALISME : Vous avez deux vaches. Vos voisins vous aident à vous en occuper, et vous vous partagez le lait.
2. COMMUNISME : Vous avez deux vaches. Le gouvernement vous prend les deux et vous fournit en lait.
3. FASCISME : Vous avez deux vaches. Le gouvernement vous prend les deux et vous vend le lait.
4. NAZISME : Vous avez deux vaches. Le gouvernement vous prend la vache blonde et abat la brune.
5. DICTATURE : Vous avez deux vaches. Les miliciens les confisquent et vous fusillent.
6. FEODALISME : Vous avez deux vaches. Le seigneur s'arroge la moitié du lait.
7. DEMOCRATIE : Vous avez deux vaches. Une votation décide à qui appartient le lait.
8. DEMOCRATIE REPRESENTATIVE : Vous avez deux vaches. Une élection désigne celui qui décidera à qui appartient le lait.
9. DEMOCRATIE DE SINGAPOUR : Vous avez deux vaches. Vous écopez d'une amende pour détention de bétail en appartement.
10. ANARCHIE : Vous avez deux vaches. Vous les laissez se traire en autogestion.
11. CAPITALISME : Vous avez deux vaches. Vous en vendez une, et vous achetez un taureau pour faire des petits.
12. CAPITALISME DE HONG KONG : Vous avez deux vaches. Vous en vendez trois à votre société cotée en bourse en utilisant des lettres de créance ouvertes par votre beau-frère auprès de votre banque. Puis vous faites un "échange de dettes contre participation", assorti d'une offre publique, et vous récupérez quatre vaches dans l'opération tout en bénéficiant d'un abattement fiscal pour entretien de cinq vaches. Les droits sur le lait de six vaches sont alors transférés par un intermédiaire panaméen sur le compte d'une société des îles Caïman, détenue clandestinement par un actionnaire qui revend à votre société cotée les droits sur le lait de sept vaches. Au rapport de la dite société figurent huit ruminants, avec option d'achat sur une bête supplémentaire. Entre temps vous abattez les deux vaches parce que leur horoscope est défavorable.
13. CAPITALISME SAUVAGE : Vous avez deux vaches. Vous équarrissez l'une, vous forcez l'autre à produire autant que quatre, et vous licenciez finalement l'ouvrier qui s'en occupait en l'accusant d'avoir laissé la vache mourir d'épuisement.
14. BUREAUCRATIE : Vous avez deux vaches. Le gouvernement publie des règles d'hygiène qui vous invitent à en abattre une. Après quoi il vous fait déclarer la quantité de lait que vous avez pu traire de l'autre, il vous achète le lait et il le jette. Enfin il vous fait remplir des formulaires pour déclarer la vache manquante.
15. ÉCOLOGIE : Vous avez deux vaches. Vous gardez le lait et le gouvernement vous achète la bouse.
16. FEMINISME : Vous avez deux vaches. Le gouvernement vous inflige une amende pour discrimination. Vous échangez une de vos vaches pour un taureau que vous trayez aussi.
17. SURREALISME : Vous avez deux girafes. Le gouvernement exige que vous leur donniez des leçons d'harmonica."

samedi 17 janvier 2009

Les jolies choses

"Beaucoup de très belles choses nous attendent, sans jamais s'impatienter de ne pas nous voir venir."

(Christian Bobin, Prisonnier au berceau)

vendredi 16 janvier 2009

La folie

"Un fou, c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place."

(Christian Bobin, Prisonnier au berceau)

jeudi 15 janvier 2009

La Job de Dieu

"Vous vous souvenez du Livre de Job ?
"Dans la Bible ?"
Oui. Job est un juste, mais Dieu le fait souffrir. Pour mettre sa foi à l'épreuve.
"Je me souviens."
Il lui enlève tout ce qu'il possède, sa maison, son argent, sa famille...
"Sa santé."
Il lui envoie une maladie.
"Pour mettre sa foi à l'épreuve."
Oui. Pour la mettre à l'épreuve. Je me demande donc...
"Tu te demandes quoi ?"
Ce que vous en pensez.
Morrie tousse violemment. Ses mains tremblent alors qu'il les laisse tomber sur le côté.
"Je pense, dit-il en souriant, que Dieu en a fait un peu trop."

(Mitch Albom, La dernière leçon)

mercredi 14 janvier 2009

Amis anges...

"Si je devais mourir...
Voilà ce que je dirais :
Je dirais que chaque jour est un miracle
Je dirais que la vie est un don et que nous devons l'apprécier
Je dirais que j'ai bien vécu, que j'ai aimé et que, bien plus important, j'ai été aimé.
Que demander de plus ?
J'ai été riche d'amour, cet amour qui me permet de partir maintenant, de voler, plus seulement en rêve mais pour de vrai, cette fois-ci.
Les anges ne sont pas loin, j'en ai rencontré plusieurs. Cela m'a toujours aidé.
Vous pouvez être ange vous aussi, vous savez ? Il ne suffit de pas grand chose, juste un peu d'abnégation.
Alors amis anges, sillonnons la terre à la poursuite d'âmes esseulées. Car rien n'est plus triste qu'une âme seule. Comment peut-elle grandir ? Seule, une âme ne peut grandir... Accompagnons-là."

(Anonyme)

mardi 13 janvier 2009

"Les professeurs ouvrent la porte.
Vous entrez par vous-mêmes."

(Proverbe chinois)

lundi 12 janvier 2009

Apatride

"Cette blessure au coeur de Lucien de ne plus arpenter sa ville familière, de ne plus en entendre les bruits et les voix, de ne plus en respirer les odeurs, de n'en plus goûter les saveurs, de ne plus, surtout, voir ni sa mère ni ses amis, en somme cette blessure d'être un homme déraciné, dépouillé de tous ses repères, comme un amnésique se réveillant en un lieu inconnu (...)."

(Norbert Régina, La femme immobile)

jeudi 8 janvier 2009

Le dernier jour

"Et si on vous rendait votre santé pour une seule journée ? demandai-je, que feriez-vous ?
"Vingt-quatre heures ?"
Vingt-quatre heures.
"Voyons... je me lèverais le matin, je ferais ma gymnastique, je prendrais un merveilleux petit déjeuner avec des petits pains et du thé, j'irais nager, et ensuite j'inviterais mes amis à venir ici pour un bon déjeuner. Je les ferais venir un ou deux à la fois pour que nous puissions parler de leur famille, leurs problèmes, et de tout ce que nous représentons les uns pour les autres.
"Ensuite, j'aimerais faire une promenade, dans un jardin avec des arbres, pour regarder leurs couleurs, regarder les oiseaux, goûter cette nature que je n'ai pas vue depuis si longtemps.
"Le soir, nous irions tous ensemble au restaurant manger un merveilleux plat de pâtes, avec peut-être du canard - j'adore le canard ! - et ensuite on danserait le reste de la nuit. Je danserais avec de sublimes partenaires jusqu'à l'épuisement. Puis je rentrerais à la maison pour m'endormir d'un merveilleux sommeil profond."
C'est tout ?
"C'est tout."
C'est si simple, si banal. En fait je suis un peu déçu. Je pensais qu'il prendrait l'avion pour l'Italie, qu'il déjeunerait avec le président des États-Unis, qu'il gambaderait sur la plage, ou qu'il chercherait à faire les choses les plus exotiques qui lui passeraient par la tête. Après tous ces mois couché, incapable de bouger une jambe ou un pied, comment peut-il trouver la perfection dans une journée aussi ordinaire ?
C'est alors que je comprends que c'est précisément de cela qu'il s'agit."

(Mitch Albom, La dernière leçon)

Je me souviens

"La mort met fin à une vie, mais pas à une relation."

(Mitch Albom, La dernière leçon)

(Pour E.)

mercredi 7 janvier 2009

L'image des choses

"Le vieux peintre Wang Fo et son disciple erraient le long des routes du royaume des Han. Ils avançaient lentement car Wang Fo s'arrêtait la nuit pour contempler les astres et le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés car Wang Fo aimait l'image des choses et non les choses elles-mêmes ; pour lui aucun objet au monde ne valait la peine d'être possédé excepté quelques brosses, des pots de laque et d'encre, des rouleaux de soie et du papier."

(Marguerite Yourcenar, Contes d'Orient)

Mortels voisins

"D'autres pays ont des ouragans, des volcans cracheurs de lave, des tsunamis, des tremblements de terre, des canicules. Nous, nous avons des voisins."

(Un écrivain libanais ou israelien...)

mardi 6 janvier 2009

Perfection

"La perfection ne consiste pas à faire des choses extraordinaires, mais à faire des choses ordinaires de façon extraordinaire."

(Dicton japonais)

dimanche 4 janvier 2009

Que vois-tu, toi qui me soignes, que vois-tu ?

"Que vois-tu, toi qui me soignes, que vois-tu ?
Quand tu me regardes, que penses-tu ?
Une vieille femme grincheuse, un peu folle.
Le regard perdu, qui n'y est plus tout à fait.
Qui bave quand elle mange et ne répond jamais.
Qui quand tu dis d'une voix forte "essayez".
Semble ne prêter aucune attention à ce que tu fais
Et ne cesse de perdre ses chaussures et ses bas.
Qui, docile ou non, te laisse faire à ta guise
Le bain et les repas pour s'occuper la longue journée garnie.

C'est ça que tu penses, c'est ça que tu vois ?
Alors, ouvre les yeux, ce n'est pas moi.
Je vais te dire qui je suis, assise là si tranquille,
Me déplaçant à ton ordre, mangeant quand tu veux...
Je suis la dernière de dix, avec un père et une mère,
Des frères et des soeurs qui s'aiment entre eux,
Une jeune fille de 16 ans, des ailes aux pieds,
Rêvant que bientôt elle rencontrera un fiancé.
Mariée déjà à vingt ans, mon coeur bondit de joie
Au souvenir des voeux que j'ai fait ce jour-là.

J'ai vingt cinq ans maintenant et un enfant à moi
Qui a besoin de moi pour lui construire une maison,
Une femme de trente ans ; mon enfant grandit vite.
Nous sommes liés l'un à l'autre par des liens qui dureront.
Quarante ans, bientôt il ne sera plus là.
Mais mon homme est à mes côtés qui veille sur moi.
Cinquante ans, à nouveau jouent autour de moi des bébés.
Nous revoilà avec des enfants, moi et mon bien-aimé.

Voici les jours noirs, mon mari meurt.
Je regarde vers le futur en frémissant de peur.
Car mes enfants sont tous occupés à élever les leurs,
Et je pense aux années et à l'amour que j'ai connu.
Je suis vieille maintenant et la nature est cruelle
Qui s'amuse à faire passer la vieillesse pour folle.
Mon corps s'en va, la grâce et la force m'abandonnent
Et il y maintenant une pierre là où jadis j'eus un coeur.

Mais dans cette vieille carcasse, la jeune fille demeure,
Le vieux coeur se gonfle sans relâche.
Et je me souviens des joies, je me souviens des peines
Et à nouveau je revis ma vie et j'aime.
Je repense aux années, trop courtes et trop vite passées,
Et accepte cette réalité implacable que rien ne peut durer,
Alors ouvre les yeux, toi qui me soignes, et regarde,
Non, la vieille femme grincheuse, regarde mieux, tu me verras."

(Anonyme)