vendredi 17 février 2006

Souveraineté du vide

"Plus assez de poids, plus assez d'ombre pour accomplir une tâche, assurer le suivi d'une lecture ou même simplement pour marcher. Oisiveté. Lumière dansante, allègre, lumière non visible, lumière du dedans. Ne restent plus que des pensées enveloppantes, développantes. Livres. Beaucoup de livres dans cette chambre. Beaucoup de vagues. Beaucoup d'arbres. Étant dans cette chambre comme dans une forêt, comme au fond de la mer. Beaucoup de chambres dans cette chambre. Étant partout comme dans une chambre, comme dans une forêt, comme au fond de la mer. Partout ainsi. À ne rien faire. À regarder, tout. Je ne serais fait pour rien. Je serais fait pour cela : tout. L'Amour. Les choses s'avancent vers moi, toutes choses. Par leur silence, elles entrent en moi. D'abord par leur silence. Puis leur lumière s'élabore en moi, discrète, infime. Miraculée. Enfin l'embrasement, l'éclair, le brûlant, le radieux. Ensuite, écrire, seulement ensuite. Voilà. C'est tout. Je ne saurais rien faire d'autre. Seulement cet échange de silence en lumière. L'Amour. Il passe mes lèvres, coupe les lignes de ma main, à l'envers, puis à l'endroit, puis à l'envers, ainsi de suite. Je regarde ce mouvement. J'écris, voyez, je vous écris. Ces lettres. Cette lettre."

(Christian Bobin, Souveraineté du vide. Lettres d'or)

mercredi 15 février 2006

L'enseignant-formateur

"Il y a une différence entre "aujourd'hui à mon cours, je vais enseigner aux étudiants..." et "aujourd'hui à mon cours, les étudiants vont apprendre..."
Un enseignant ne fait pas de l'information mais de la formation."

(Laszlo DeRoth, Enseigner en couleurs)

vendredi 10 février 2006

Nous sommes tou(te)s des handicapé(e)s

"Finalement, je me pose la question : qu'est-ce qu'une personne handicapée ? Incapable de voler, coureur médiocre, piètre nageur, l'homme ne se perçoit pourtant pas comme un handicapé. Il ne souffre pas vraiment de ses limites. En somme, on peut considérer qu'une personne handicapée l'est seulement un peu plus qu'une personne dite normale, ce qui modifie radicalement le regard qu'on peut porter sur soi. Et ceci ne concerne que notre être physique.
Le matérialisme de notre époque nous fait trop souvent oublier que nous vivons aussi de nos sentiments et de notre âme, autrement dit que notre être a une triple nature : physique, psychique et spirituelle. La vie active ne produit-elle pas parfois des handicaps psychiques ou spirituels parmi les gens qui, par exemple, ne prennent plus le temps de s'abandonner à un coucher de soleil ou à un concerto de Mozart ?"

(Michel Robert, ...et les bras m'en sont tombés...)

jeudi 9 février 2006

"Et Job me fut conté..."

"Méritons-nous les maux dont nous souffrons ? Cette question-là est hors sujet. Il n'y a pas davantage de finalité à la souffrance. Elle n'est là ni pour réparer ni pour préparer. Elle est. Camus aurait pu écrire le Livre de Job. À la fin de la parabole, Job, comme Sisyphe, apprend à vivre l'absurde. Ni révolte contre un présent qui trahirait le passé, ni résignation à un destin inéluctable, mais acceptation d'un présent qui ne témoigne ni du passé ni de l'avenir, qui ne témoigne que de lui-même. Ma liberté d'homme est bien là dans l'acceptation de cette maladie, fait présent non entièrement déterminé par le passé et non entièrement déterminant du futur."

(Michel Robert, ...et les bras m'en sont tombés...)

dimanche 5 février 2006

Possédés par nos possessions

"Nous avons peur de cesser d'exister, de cesser d'exister physiquement et d'être séparés des choses que nous avons possédés, acquises à force de travail, dont nous avons fait l'expérience - la femme, le mari, la maison, les meubles, le petit jardin, les livres, et les poèmes que nous avons écrits ou espérions écrire. Nous avons peur d'abandonner tout cela parce que nous sommes le mobilier, nous sommes le tableau que nous possédons; si nous sommes doués pour le violon, nous sommes le violon. Car nous nous sommes identifiés à ces objets - et nous ne sommes plus rien d'autre qu'eux. Avez-vous jamais vu les choses sous cet angle ? Vous êtes la maison - avec ses volets, et la chambre, les meubles que vous avez amoureusement encaustiqués pendant des années, et qui vous appartiennent - voilà ce que vous êtes. Si on vous ôte tout cela, vous n'êtes rien."

(Krishnamurti)

vendredi 3 février 2006

Chronique d'une mort annoncée

"Elle a entrepris de faire le ménage dans les boîtes remplies de photos, de papiers et de souvenirs qu'elle conserve au fond de sa garde-robe. Elle prend beaucoup de plaisir à mettre ainsi de l'ordre dans sa vie. Mais toutes les choses qu'elle met à la poubelle sont autant de fragments de son existence qui se détachent d'elle, de morceaux de vie qui s'en vont. Dans chacun de ses gestes, je la vois mourir."

(Pierre Monette, Dernier automne)

jeudi 2 février 2006

Être altruiste ou ne pas être altruiste ?

" C'est toujours le moment de faire quelque chose de bien."

(Martin Luther King, J.R.)