dimanche 10 décembre 2006

"En dépit de ce que l'on croit, nous ne sommes en définitive pas très différents des fourmis ou des mouches. La plupart d'entre nous naissent, vivent et meurent dans l'insouciance de leur vie."

(Lino, L'ombre du doute)

mardi 5 décembre 2006

Éducation pragmatique

"On n'a jamais rien fait grandir avec des principes. On ne fait pas pousser une fleur avec des idées sur la botanique mais avec de l'eau, de la lumière et de la patience, beaucoup de patience, au jour le jour. On transmet à un enfant ce qu'on est - jamais ce qu'on croit qu'il faut être. On est élevé par des gens qui ont été enfants : c'est donc leur enfance à eux qui nous élève."

(Christian Bobin, La merveille et l'obscur)

lundi 4 décembre 2006

"Sans doute est-ce le plus précieux de l'enfance : cette capacité de ne rien rejeter, cette indistinction animale - ou angélique - entre le dedans et le dehors, le bien et le mal. Un adulte, lui, sépare tout : les heures de l'ennui et celles du plaisir, l'instinct et le savoir, la joie et la douleur. Dans l'enfance il n'y a pas ces clôtures."

(Christian Bobin, La merveille et l'obscur)

jeudi 30 novembre 2006

L'obscur et la lumière

"Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais les gens qui se veulent responsables - qui coiffent toute lumière avec un abat-jour de responsabilité - ont toujours l'air soucieux, funèbres. Ceux qui ne se veulent rien - ni responsables ni irresponsables - qui ne veulent qu'aimer encore et encore, ceux-là ont l'air charmants, légers. De ceux-ci ou de ceux-là, qui veille le mieux sur le monde, sur la vie, qui est le plus responsable ?"

(Christian Bobin, La merveille et l'obscur)

mardi 28 novembre 2006

Aimer

"Qu'est-ce que c'est, aimer. Ce n'est pas s'enfermer dans la même maison, s'étouffer dans la même parole, s'assombrir dans la même histoire. Ce n'est pas remplir un vide, effacer une distance. Aimer c'est prendre soin de la solitude de l'autre - sans jamais prétendre la combler ni même la connaître."

(Christian Bobin, La merveille et l'obscur)

jeudi 23 novembre 2006

Le privilège de l'enfance

"...les enfants ont un privilège : on ne leur demande pas de justifier leur existence. On ne demande pas à un enfant ce qu'il fait dans la vie. On le sait bien : il joue, il pleure, il rit. Il vit - et ça suffit pour vivre..."

(Christian Bobin, La merveille et l'obscur)

lundi 20 novembre 2006

Quand l'intouchable meurt

"À mon école, où je suis intervenante communautaire, il y a plein d'enfants qui perdent leur maman. Ce n'est pas rare. Mais dans notre société, une mère ne meurt pas. Une mère, c'est de l'ordre de l'intouchable.»

(Francine Caron, Le Devoir, Édition du 17 novembre 2006)

Cela a commencé par un picotement

"Ça a commencé par un picotement au petit doigt gauche. Mais qu'est-ce qu'un picotement quand on s'appelle Hélène Pelletier? La femme de 44 ans multiplie les déplacements pour effectuer son travail de représentante en produits pharmaceutiques, vaque aux soins de ses deux filles de 8 et 10 ans et, entre deux séances de jogging, prépare le déménagement prévu dans une nouvelle maison située dans les verdeurs de Hudson.

Mais n'empêche, le picotement persiste et commence à semer des doutes dans l'esprit d'Hélène et son mari. «J'avais du mal à ouvrir des pots, à manipuler les fermetures éclair, raconte-t-elle. Je me suis dit que c'était peut-être une grosse fatigue ou un début de burn-out.»

Hélène décide de consulter un neurologue qui lui dit que tout cela est un étirement lié au déménagement qu'elle vient de vivre. Elle décide toutefois de voir un deuxième spécialiste qui lui parle d'un virus.

«Je continuais toutes mes activités, mais j'avais de plus en plus de mal à coordonner mes mouvements, dit Hélène. Chaque matin, je mettais une demi-heure pour m'habiller. Parfois, il m'arrivait de tomber comme une roche.»

Un ami médecin la met alors en contact avec un troisième neurologue. Celui-ci, après un examen d'une heure, laisse tomber le diagnostic: Hélène est atteinte de la SLA,la sclérose latérale amyotrophique, plus communément nommée la maladie de Lou Gehrig d'après le joueur de baseball qui en est mort en 1941.

«Ça a été dévastateur, dit Hélène. Je n'arrivais pas à croire que moi, une femme en santé, qui faisait attention à ce qu'elle mangeait, pouvait avoir cette maladie. Pour moi, ma vie était finie.»

Il existe deux types de SLA: la forme bulbaire, qui donne à la personne atteinte une espérance de vie de six mois à deux ans, et la forme finale, qui offre de trois à cinq ans de vie. Hélène apprend qu'elle a la seconde forme de la maladie.

En juin 2005, elle découvre donc que ses cellules cérébrales meurent une à une et que celles-ci, rattachées aux muscles volontaires, arrêteront un jour de jouer leur rôle.

Graduellement, ceux qui souffrent de la SLÀ perdent l'usage de leurs bras et de leurs jambes, de leur faculté d'élocution, de déglutition et de respiration.

À la suite de la terrible nouvelle, les symptômes s'accélèrent pour Hélène. En novembre, elle ne peut plus se déplacer seule; en janvier, elle n'arrive plus à se
laver; en mars, elle n'arrive plus à se nourrir. Aujourd'hui, Hélène est totalement dépendante des autres.

«J'ai la chance d'avoir quelqu'un qui vient à la maison, dit-elle essoufflée. Elle
venait s'occuper de l'une de mes filles quand elle était bébé. Elle s'occupe maintenant de moi.»

Après avoir encaissé le coup, Hélène Pelletier a décidé de continuer à montrer le côté qu'elle a toujours préféré afficher. Elle, qui avait toujours rêvé de faire du bénévolat à sa retraite, s'est mise en tête d'organiser une campagne de financement pour aider la recherche sur cette maladie incurable.

«Je me suis rendu compte qu'on ne savait rien de cette maladie, dit-elle. Il n'y a aucun traitement pour stopper ou modérer sa progression. Présentement au Québec, il y a entre 500 et 700 personnes qui en souffrent. Au Canada, 2000 personnes en meurent chaque année et peu de gens savent de quoi il s'agit au juste.»

Au cours d'une soirée de gala qui a eu lieu en mars, elle a amassé près de 150 000$. L'argent a été officiellement remis le 27 octobre dernier à l'Institut neurologique de Montréal. Grâce à ce fonds, l'institution a pu embaucher un médecin spécialiste qui se concentrera pendant un an sur la recherche.

Hélène vise maintenant un second gala en 2007. Grâce à ces gestes, Hélène Pelletier espère lever le voile sur cette maladie qui touchait autrefois les personnes âgées et qui s'attaquent maintenant à celles qui sont dans la quarantaine.

«Pour moi, il est presque trop tard. Mais ça me fait du bien de savoir que je fais cela pour les autres», dit-elle.

Pour un don: Fondation de l'hôpital Royal Victoria, (514) 843-1543"

(Mario Girard, "Combat contre la maladie de Lou Gehrig",Source http://www.lapresse.ca/article/20061108/CPACTUEL/
611080838&SearchID=73263485818398, La Presse, édition du 8 novembre 2006)

dimanche 19 novembre 2006

Ce que je sais

"Je sais les cieux crevant en éclairs et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir."

(Arthur Rimbaud, extrait Le Bateau ivre)

samedi 11 novembre 2006

Hasard

"Il n'y a pas de hasard, il n'y a que de beaux rendez-vous."

(Sylvain Rivière)

lundi 6 novembre 2006

"Ensemble, c'est tout"

"Ce qui compte, ce sont les liens d'affection qui relient les gens entre eux, formant une toile immense et invisible sans laquelle le monde s'écroulerait. Le reste, auquel on consacre la plus grande partie de son temps en prenant des airs très sérieux, n'a que peu d'importance."

(Jacques Poulin, Le vieux chagrin, cité dans La Presse, édition du lundi 6 novembre 2006)

"Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux."

(Wajdi Mouawad)

mardi 24 octobre 2006

Pouvoir vouloir

"Faites donc ce que vous voulez mais soyez d'abord de ceux qui peuvent vouloir !"

(Friedrich Nietzsche)

(Merci B. !)

dimanche 22 octobre 2006

Moins pour plus

"J'ai peu à peu réalisé que plus je me délestais, moins ce qui me restait m'était indispensable : finalement, on a besoin de très peu pour vivre. J'ai donc acquis la solide et profonde conviction que moins on a, plus on est libre et épanoui."

(Dominique Loreau, L'art de la simplicité)

mardi 17 octobre 2006

Le téléphone portable : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

"En des temps heureux où cette technologie idiote était inconnue, il suffisait de se donner rendez-vous en un lieu précis et chacun tâchait d'y être à l'heure - généralement avec succès. De nos jours, c'est beaucoup plus compliqué.
Étude de cas : Éric, qui est chez ses beaux-parents, a rendez-vous avec nous, Régine et Christine (et compagnie) dans un resto de Xonrupt-Longemer, près de Gérardmer, pour casser la croûte avant une nouvelle équipée. Tandis que nous roulons vers le lieu de rendez-vous, Éric appelle Valérie pour lui dire qu'il sera en retard et Valérie appelle Christine et Régine pour les en informer. Régine annonce à Valérie qu'elle est fatiguée et ne viendra pas, et demande de prévenir Éric qui devait venir la prendre. Valérie appelle Éric pour le lui dire. Éric appelle Régine pour la persuader de venir quand même. Pendant ce temps, Valérie appelle à la ferme-auberge où nous devons souper pour leur dire qu'on ne sera pas douze mais onze, mais comme elle n'a pas le numéro sur elle il lui faut appeler Christine, qui le lui donne. Sur ces entrefaites, Régine change d'idée, à condition qu'on aille plutôt casser la croûte à La Bresse, ce qui change tout. Valérie appelle Éric, mais Christine n'est plus joignable. Elle rappelle Éric, qui lui explique que c'est à cause de l'antenne téléphonique qui est mal placée. Il appelle donc Christine lui-même parce qu'il est mieux placé, tandis que Valérie rappelle la ferme-auberge pour leur dire que nous ne serons pas onze mais douze."

(Jean-Benoît Nadeau, Extrait de Les Français aussi ont un accent)

dimanche 15 octobre 2006

La (télé)réalité

(...) " Notre réalité, notre quotidien, tout est maquillé de "paraître", "d'avoir", l'instantané l'emporte haut la main. Tu me plais ou pas. Je n'ai pas besoin d'en savoir plus sur toi, je te regarde et c'est bien assez. Tu as l'air de ça ou de couci-couça, je te prends ou te jette. La profondeur, pas le temps. Devenir célèbre, à tout prix et à tout prendre. Tu es avec moi, ou contre moi. Peu importe les conséquences, je te balance mes désirs ou frustrations, mes états d'âme ou mes jugements, ou je te balance tout court. Ça "croustille", ça "spectacle", ça "cote d'écoute", ça performe, c'est l'essentiel. Responsabiliser ? Pas assez rentable."(...)

(Stéphane Paradis, Conférencier et président de l'Association des intervenants pour le développement de l'estime de soi (AIDES), un organisme qui vient en aide aux enfants, Extrait de son article "Responsabili-TV" paru dans La Presse, le dimanche 15 octobre 2006)

(Merci S. pour les bons mots !)

mercredi 27 septembre 2006

Cute...

"Tu sais maman, ma nouvelle amie, elle parle français, anglais et érable."

(Malika, 6 ans, Le Devoir, mercredi 27 septembre 2006)

mardi 26 septembre 2006

Un roshi

"Un roshi est une personne qui a réalisé cette liberté parfaite qui est la potentialité de tous les êtres humains. Il existe librement dans la plénitude de tout son être. Le courant de sa conscience ne se moule pas en une répétition des modèles fixes de notre habituelle conscience égocentrique, mais naît spontanément et naturellement des circonstances réelles du moment présent. En ce qui concerne la qualité de sa vie, les résultats sont extraordinaires - énergie et ressort de caractère, vigueur, attitude directe, simplicité, humilité, sérénité, gaieté, perspicacité surnaturelle et compassion infiniment profonde. Tout son être témoigne de ce que signifie vivre dans la réalité du présent. Sans que rien soit dit ou fait, le simple impact de la rencontre avec une personnalité aussi développée peut suffire à changer complètement une manière de vivre."

(Richard Baker)

[Voici un autre passage à niveau...]

dimanche 24 septembre 2006

Esprit de débutant

"La calligraphie zen consiste à écrire de la manière la plus directe possible, aussi simplement que le ferait un débutant, sans viser à l'habileté ou à la beauté du tracé, mais simplement en étant plein d'attention, comme si nous découvrions pour la première fois ce que nous écrivons. Voilà comment pratiquer à chaque instant."

(Richard Baker)

vendredi 22 septembre 2006

Ma cabane de moine

"Il se peut que mon logis soit étroit, mais je peux y dormir et m'y asseoir. Vivant seul, cela me suffit. Je connais le monde et je ne m'y mêle pas. Je profite seulement de ma tranquilité. Mon suprême plaisir est la sieste et contempler les saisons. Le monde entier n'est que la conscience que nous en avons. Si le coeur est en paix, même les trésors les plus chers ne valent rien. J'aime mon pauvre logis. Je suis désolé pour tous ces esclaves du monde matériel. On ne peut apprécier la solitude qu'en la vivant."

(Kamo no Chomei)

jeudi 21 septembre 2006

Corps & âme

"Et si, pour toute richesse,
Il ne te reste que deux pains,
Vends-en un, et avec ces quelques deniers
Offre-toi des jacinthes pour nourrir ton âme !"

(Poème persan)

mercredi 20 septembre 2006

Connaîs-toi toi-même

"Il est absurde de s'ignorer soi-même quand on veut connaître tout le reste."

(Platon)

lundi 18 septembre 2006

Déboussolés

"Nous avons quitté la terre, nous nous sommes embarqués ! Nous avons coupé les ponts - bien plus, nous avons laissé derrière nous la terre ! Dès lors, petit navire, prends garde ! À tes côtés s'étend l'Océan : sans doute ne hurle-t-il pas toujours et parfois s'étale comme de la soie et de l'or et comme une rêverie de bonté. Mais des heures viennent où tu reconnaîtras qu'il est sans limite et que rien n'est plus effrayant que l'infini. Ô pauvre oiseau qui t'es senti libre et qui désormais te heurte aux barreaux de pareille cage ! Malheur à toi, si le mal du pays te saisit, comme s'il y avait eu plus de liberté là-bas - alors qu'il n'est plus de "terre !".

(Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir)

samedi 16 septembre 2006

Haïku du jour

"Ce printemps dans ma cabane
Absolument rien,
Absolument tout."

(Kobayashi Issa)

jeudi 14 septembre 2006

"Je bois pour que..."

"Je vis dans un pays qui sait lire et écrire depuis quinze générations, je vis au milieu de gens prêts à donner jusqu'à leur vie pour un paquet d'idées bien ficelées, j'habite un ancien royaume où c'est depuis toujours l'usage et la folie de s'entasser patiemment dans la tête images et pensées porteuses de joies inexprimables et de douleurs plus fortes encore.
Et maintenant, tout cela se répète en moi ? Voilà trente cinq ans que j'appuie sur les boutons vert et rouge de ma presse, mais aussi tente cinq ans que je bois des litres de bière, pas pour boire, mais pour aider la pensée, pour mieux pénétrer au coeur même des textes. Parce que lorsque je lis, ce n'est pas pour m'amuser ou faire passer le temps ou encore pour mieux m'endormir, je bois pour que lire m'empêche à jamais de dormir, pour que le lire me fasse attraper la tremblote. Par les livres et des livres, j'ai appris que les cieux ne sont pas humains et qu'un homme qui pense ne l'est pas davantage, non qu'il ne le veuille."

(Bohumil Hrabal)

vendredi 1 septembre 2006

Le donneur de câlins

"Impossible ne ne pas le voir. Très chic, chapeau de feutre, fleur à la boutonnière, parapluie fermé, yeux ouverts, il tient les bras tendus, immobile. Écrit à la craie sur deux petits tableaux noirs : "Câlins gratuits, free hugs".
Les gens s'attroupent, le scrutent, attendent qu'il baisse les bras, éternue, se fouille dans le nez. Nada. Est-ce une statue échappée de chez Madame Tussaud ? Un serveur automate ? Un employé du ministère du Tourisme, un col bleu de la Ville de Montréal, un témoin de Jéhovah nouveau genre, un pervers, un aspirant maire, un illuminé, Raël déguisé ?
Des commentaires fusent: "This is weird!" "Y est donc ben plein d'amour!" "Qu'est-ce qu'il cherche, ce charlot? On en a marre de glander ici. Allez hop! On s'arrache." "Armand, j'te l'dis, c'est pas un vrai." "Escuche a Marie-Chantale Toupin en el radio, es una cantante de Quebec, y le pague al taxista para que la callara." "J'te cré pas. Tu veux y aller ?" "Mi chiedo perchè Serge Losique porta sempre questo santo beretto." "J'aime ta skirt d'la way qu'a hang."Mais voilà qu'une femme plutôt jolie s'approche d'un pas déterminé de l'objet de tous nos regards. Rendus à sa hauteur, elle lui dit quelque chose. Alors il sourit et la prend dans ses bras. L'étreinte dure deux, trois secondes. Puis la femme recule, prononce encore quelques mots, glisse une pièce de monnaie dans une petite boîte discrète et s'en va. Le câlineur patenté ne la regarde pas partir. Tout de suite, il baisse la tête, se concentre, rouvre ses bras lentement et reprend la même position.
Pendant près d'une heure, je suis resté planté là comme un pissenlit, médusé. Et j'ai vu... des Britney wannabe au t-shirt bedaine, des papas avec leur enfant, une Chinoise au visage parcheminé, une gamine craquante aux cheveux bouclés, tous aller dans les bras de Monsieur Câlin, The Hugger Busker. Certains laissent derrière quelques sous, mais pas tous. Plusieurs se font croquer numériquement par leur famille ou leurs amis. Un ado, 15 ou 16 ans, s'y est repris à deux fois : la première avec un copain pour un hug à trois (cela sentait la bravade entre potes), la seconde, tout seul. C'était, comment dire, émouvant. Soudain, sur mon coeur de pierre, une égratinure..."

(Jean-Yves Girard, "Le donneur de câlins", Texte complet dans Le Devoir, vendredi 1er septembre 2006, page B 10)

mardi 29 août 2006

Liberté d'expression

"Vos idées me révulsent mais je me battrai pour que vous puissiez vous exprimer."

(Voltaire)

lundi 17 juillet 2006

Mortelle pédagogie

"En quoi la mort serait-elle au fondement de la communauté ? Elle n'est pas en dehors de nous - une sorte de pure extériorité qui viendrait nous faucher à l'heure dite. Elle m'habite. Elle est mienne et déjà en moi, en m'initiant au sens de l'altérité, jour après jour. Je fais l'expérience de cette pédagogie de la mort, à tous les "coins" de ma vie, lors des séparations, des changements, des brisures, des contraintes qui pèsent sur moi, lorsqu'une volonté s'impose à la mienne et lorsque je suis désavoué ou lorsqu'il me faut accepter une évidence plus puissante que mon désir. Ce goût de la mort est le goût de ma faiblesse, de mon humanité. Je ne suis pas tout puissant, seul au monde, capable d'imposer ma volonté à tout, ni à tous. Dès que ma quiétude est mise à mal, que j'expérimente mes limites et me mets à l'épreuve du respect dû aux autres, je fais l'apprentissage de ces milliers de petites morts qui finissent par me constituer. Ces morts-là m'ajustent à un équilibre fragile de relations et de règles. Et lorsque je fais l'expérience, une fois, cent fois, mille fois, dix mille fois de cette incertitude humaine, des frontières inhérentes à mon désir d'avoir et d'être, j'apprend le goût de la mort. Je fais des expériences d'altérité. Si mon désir ne fait pas l'apprentissage des limites, il considère le monde à sa merci et les hommes comme des objets à sa disposition. Il devient mortifère. Nous quittons alors le domaine de la politesse, le respect des autres et des règles communes. La tyrannie qu'elle soit domestique ou politique, exerce une violence inacceptable. Ou l'on voit que la pédagogie de la mort est au service de la vie en commun..."

(Damien Le Guay, "Nous ne savons plus mourir !", Le Nouvel Observateur, hors-série avril/mai 2006, p.10)

vendredi 14 juillet 2006

"J'ai appris, à force de le pratiquer intensément, que le deuil était pédagogique, une vieille sagesse de l'intime. Il nous enseigne à mourir à nous-mêmes, aux autres, à ce qui nous semblait éternel dans notre corps, notre coeur, notre avenir, l'illusion ultime. Et les deuils durent une éternité. Une éternité d'humilité qui nous montre du doigt la porte de notre fragilité intérieure. La vie ne manque pas de deuils à franchir. Chaque saison en est un. Chaque fleur fanée d'un bouquet aussi. L'esthétique du wabi-sabi japonais le résume bien : toute chose est impermanente, imparfaite et incomplète. Le deuil nous gifle ces trois vérités en pleine figure."

(Josée Blanchette, "Le voile saisonnier du deuil : La vie après la mort", Le Devoir, vendredi 14 juillet, 2006)

dimanche 9 juillet 2006

Problème d'identité ?

"Un peuple est un miroir où chaque voyageur contemple sa propre image. En Amérique comme partout [...], on ne trouve que ce qu'on apporte."

(André Maurois, Conseils à un jeune Français partant pour l'Amérique)

jeudi 6 juillet 2006

Adage du jour

"Une bougie ne perd rien si elle sert à en allumer une autre."

(Merci J. !)

lundi 3 juillet 2006

Adage du jour

"Si tes loisirs nuisent à tes études, lache tes études."

(Merci Krik !)

mercredi 28 juin 2006

Le bonheur selon M. Arguin

"Le bonheur est constitué de nombreux instants qui défilent devant nous en procession.
Arrêtons-le pour l'accueillir quand il passe tout près de nous."

(Gérard Arguin, 6 août 1922 - 21 juin 2006)

samedi 10 juin 2006

"Tout écrapou..."

"Dimanche dernier, vers 16h, en plein soleil, à une intersection quelconque, Superman, Spiderman, Harry Potter et plusieurs autres héros magiques ont tous été assassinés sous les roues pressées d'un VUS. Lorsqu'on a retiré le corps et les restes d'un engin hyperspatial aux allures de bicyclette bleue de sous le véhicule, on a aussi entendu les pleurs immenses de toute une école primaire, le sanglot étouffé de grands-parents meurtris jusque dans leur peau pourtant déjà toute ratatinée, le hurlement immense d'un père éternellement blessé et le silence atroce d'une mère au souffle arrêté. Et avant qu'elle ne respire à nouveau, cette mère, il en aura coulé des larmes sur son âme pour longtemps enroulée sur elle-même.
Quand on a sorti le corps de sous le véhicule, il sentait l'essence et le sang... et le pogo et le ketchup, et la crème glacée aux brisures de choco et la gomme verte à saveur de melon... Et dans sa main gauche, l'immense main gauche d'un garçon de huit ans, il n'y avait rien. Mais ce jour-là devait normalement passer dans cette main une foule d'objets indispensables au bonheur d'un garçon de huit ans. Faites vous-même le décompte : un yo-yo fluo bleu; une réglisse-fouet rouge ; une balle de baseball de pratique (elles sont plus molles que les vraies, mais on peut cogner sur la tête de son grand frère avec, pis ça fait pas mal); une télécommande (qui reconnaissait immédiatement cette main-là pitonnant immanquablement VRAK, TELETOON ou RDS); un Game-boy; un fromage Ficello; quelques cartes de joueurs de baseball à échanger avec Sébas (il est dans l'école qui pleure et il pleure aussi); un lombric; une savonnette aux couleurs du Canadien et peut-être aussi quelques crottes de nez.
Mais il ne passera plus rien dans cette main. Quand on a réussi à sortir le garçon de sous les roues du véhicule, sa main gauche était déjà froide. Et son coeur aussi. Et toutes les questions graves et immensément sérieuses emmagasinées dans son cerveau de Jell-o avaient déjà quitté son corps. Sans réponse. Qui va gagner la Coupe ? Est-ce que je vais frapper un coup sûr aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'on mange pour souper ? Est-ce que Jérémi peut rester à coucher, maman ? Si je prends ma douche tout de suite, est-ce que je peux redescendre pour voir la fin du film, papa ? C'est quoi mon camp de vacances cette année ? Est-ce qu'on va aller à la mer ? C'est quand le temps des blés d'Inde avec du sel pis du beurre ? Qui veut venir au parc avec moi ? Pourquoi j'ai une soeur, et pas un lézard ?...
Autant de cris de joie qui n'auront pas lieu, autant de plaisir de vivre gâché... par un chauffeur qui ne l'a pas vu, qui parlait au cellulaire. Mais comment a-t-il pu (le chauffeur) ne pas voir venir tout ça ? C'était là, à deux pas de lui, sur deux roues, à trois pieds du sol, en bas bleus avec des shorts trop grands et une casquette des Loisirs Saint-Paul vissée sur la tête, pis une sonnette qui faisait drelin soin-soin et qui faisait fuir le chat Caramel à chaque fois qu'il lui collait la tête près du guidon.
Mais comment peut-on ne pas voir pareil bonheur sur deux roues, pire comment peut-on le détruire en prétextant ne pas l'avoir vu ? C'est qu'il était immense ce bonheur ! Beaucoup plus gros que le plus gros des véhicules VUS, ce bonheur !
"J'étais là, a dit Louis (un petit roux qui pleure itou). J'étais là, je l'ai vu... Il était tout écrapou."
Dans ma rue, Chambord, dans mon quartier, Ahuntsic, dans ma ville, Montréal, il y en a des centaines de petits bonheur à bicyclette. Certains, avant la fin de l'été, vont se faire écrapou... Vous au volant, grand énervé, gros pressé, petit fatigué, madame banlieue, messieurs les preneurs de raccourcis qui passez dans nos ruelles comme des fusées sans cervelle, jeunes hommes et jeunes femmes cellullarisés et bien trop occupés, vous, oui vous monsieur-tout-le-monde et madame-moi-je conduis-bien, prenez garde : le jour où l'un de mes enfants se fera faucher par votre voiture, je vous le promets, j'emmène toute l'école qui pleure, les grands-parents meurtris et la mère qui ne respire plus dans votre salon. Et l'on ne partira que lorsque vous aurez pleuré vous aussi, sur le peu de cas que l'on fait aujourd'hui d'autrui et de son droit à la vie.
Je n'étais pas là lorsque le policier a sonné à la porte chez les parents de cet enfant tué par un véhicule automobile. Et je ne connais pas ces gens qui vivent un immense malheur. Mais je sais que, dimanche dernier toute la journée, j'ai eu, à plusieurs reprises, l'envie folle de prendre mes trois enfants dans mes bras et de les serrer très fort... Pourquoi je ne l'ai pas fait ? Ils n'y étaient pas, tous partis à bicyclette pour la journée...
Bon été."

(Normand Cayouette, La Presse, Montréal, samedi 10 juin 2006, p.A 26)

mardi 6 juin 2006

L'âme du monde

"Les épreuves à franchir, les grandes eaux à traverser font partie intégrante de l'expérience. La mise à l'épreuve devient une mise à prix du petit moi. Ainsi, il devient possible de mesurer notre capacité à supporter, affronter, puis braver les obstacles jusqu'à pulvériser les limites du supportable, pour découvrir le creuset insoupçonné de l'âme du monde lovée au-dedans de nous."

(Poumi Lescaut, Balayogi, l'alchimie du silence)

mardi 2 mai 2006

"Vulnérabilité acceptée: porte de la compassion..."

"Être charitable, ce n’est pas seulement donner, c’est avoir été, c’est être blessé de la blessure de l’autre. C’est aussi unir toutes mes énergies aux siennes pour guérir ensemble de son mal devenu le mien."

(L'Abbé Pierre cité par Dr. Patrick Vinay, L'Homme souffrant : brume et lumière, Les Belles Soirées, 1er mai 2006, Université de Montréal)

lundi 10 avril 2006

"En ma fin mon commencement"

V (et fin)

"Me voici donc à mi-chemin, ayant eu vingt années -
En gros vingt années gaspillées, les années de l'entre-deux-
guerres -
Pour essayer d'apprendre à me servir des mots, et chaque essai
Est un départ entièrement neuf, une nouvelle espèce d'échec
Parce que l'on n'apprend à avoir le dessus sur les mots
Que pour les choses que l'on n'a plus à dire, ou la manière
Dont on n'a plus envie de les dire. Et c'est pourquoi chaque
tentative
Est un nouveau commencement, un raid dans l'inarticulé
Avec un équipement miteux qui sans cesse se détériore
Parmi le fouillis général de l'imprécision du sentir,
Les escouades indisciplinées de l'émotion. Et ce qui est à conquérir
Par la force et la soumission a déjà été découvert
Une ou deux fois, ou davantage, par des hommes qu'on n'a nul
espoir
D'égaler - mais il ne s'agit pas de concurrence -
Il n'y a ici que la lutte pour recouvrer ce qui fut perdu,
Retrouvé, reperdu : et cela de nos jours, dans des conditions
Qui semblent impropices. Mais peut-être ni gain ni perte.
Nous devons seulement essayer. Le reste n'est pas notre affaire.

La maison est là d'où l'on part. Comme nous avançons en âge
Le monde devient plus étrange, et plus compliqué le motif
De morts et de vivants. Non le moment intense
Isolé, dénué d'avant comme d'après,
Mais bien toute une vie brûlant à chaque moment
Et non le temps de vie d'un homme seulement
Mais celui-là de vieilles pierres indéchiffrables
Il y a un temps pour la soirée à la lueur des étoiles,
Un temps pour la soirée à la lueur de la lampe
(La soirée des photographies que l'on feuillette)
L'amour est le plus près d'être lui-même
Lorsqu'ici-et-maintenant cesse d'importer.
Les vieillards doivent être des explorateurs
Ici-et-là n'importe pas
Il nous faut toujours toujours nous mouvoir
Au sein d'une autre intensité
Pour une union plus intime, une communion plus profonde
A travers le froid obscur, la vacante désolation,
Le cri de la vague, le cri du vent, les vastes eaux
Du pétrel et du marsouin. En ma fin mon commencement."

(T.S. Eliot, Quatre quatuors - East Coker)

vendredi 7 avril 2006

"Notre mal seul nous est santé"

IV

"L'acier du chirurgien blessé
Questionne la partie viciée;
Nous sentons sous les mains sanglantes
Appliquées à guérir la pitié pénétrante
Qui de la fièvre cherche à percer le secret.

Notre mal seul nous est santé
Si nous écoutons l'infirmière
Mourante et qui ne veut nous plaire
Mais nous remémorer Adam, notre douaire
Et que le mal, pour mieux guérir, doit empirer.

Cette terre est notre hôpital
Don du millardaire failli :
Si tout va bien, c'est donc ici
Que nous mourrons du soin paternel et total
Qui toujours nous harcèle et partout nous poursuit.

Monte, froid, au long des jarrets;
Chante, fièvre, aux fibres mentales.
Je dois, pour être réchauffé,
D'abord transir au gel du feu purgatorial
Dont roses est la flamme, épines la fumée.

Seul breuvage : un sang qui ruisselle;
Seul aliment : la chair qui saigne.
Pourtant nous voulons qu'il soit dit
Que nous sommes vraiment chair et sang substantiels
Et persistons à nommer saint ce Vendredi."

(T.S. Eliot, Quatre quatuors - East Coker)

dimanche 2 avril 2006

Noirs propos

III

"O noir noir noir. Tous s'en vont dans le noir,
Dans les vides espaces interstellaires, dans le vide au-dedans du
vide,
Les capitaines, les négociants, les hommes de lettres éminents,
Les généreux protecteurs des arts, les hommes d'État, les gouverneurs,
Les fonctionnaires distingués, les présidents de comités,
Les magnats, les entrepreneurs, tous, ils s'en vont dans le noir,
Et noirs le soleil et la lune, noir l'Almanach de Gotha
Noirs la Gazette de la Bourse et l'Annuaire des Directeurs,
Et froid le sens, perdu le mobile de l'action ?
Et nous tous entrons avec eux dans le silence funéraire -
Les funérailles de personne, car il n'y a personne à enterrer.
J'ai dit à mon âme : "Tiens-toi tranquille et que l'obscur tombe
sur toi
Qui est l'obscurité de Dieu". Tout de même que, dans un théâtre,
On éteint les lumières pour changer les décors
Avec un roulement caverneux de coulisses, avec un mouvement
de l'obscur sur l'obscur,
Et nous avons que les collines et les arbres, le panorama éloigné
Et la fière façade imposante sont tous en train d'être emportés -
Ou comme, lorsqu'un train souterrain, dans le métro, s'arrête
trop lontemps entre deux stations
Et que les conversations s'élèvent pour retomber lentement dans
le silence
Vous voyez derrière chaque visage s'approfondir le vide mental
Qui ne laisse que la terreur croissante de n'avoir rien à quoi
penser;
Ou lorsque l'esprit sous l'éther est conscient, mais conscient
de rien -
J'ai dit à mon âme : "Tiens-toi tranquille et attends sans espérance
Car l'espérance serait l'espérance fourvoyée; attends sans amour
Car l'amour serait l'amour fourvoyé; il y a encore la foi
Mais foi, amour et espérance sont tous contenus dans l'attente.
Attends sans penser, car tu n'es pas prête à penser :
Ainsi l'obscur sera lumière ; le repos danse."
Murmures d'eaux vives, éclairs d'hiver;
Le thym sauvage inaperçu, la fraise des bois,
Les rires au jardin, extase réverbérée
Non point perdue, mais requérant, mais s'efforçant vers l'agonie
De la mort et de la naissance.

Vous allez dire que je répète
Quelque chose que j'ai déjà dit. Je le redirai.
Le redirai-je ? Pour en arriver là,
Pour arriver là où vous êtes, pour partir d'où vous n'êtes pas,
Vous devez passer par une voie où il n'est pas d'extase.
Pour arriver à ce que vous ne savez pas
Vous devez passer par une voie qui est la voie de l'ignorance.
Pour posséder ce que vous ne possédez pas
Vous devez passer par la voie de la dépossession.
Pour arriver à ce que vous n'êtes pas
Vous devez passer par la voie dans laquelle vous n'êtes pas.
Et ce que vous ne savez pas est la seule chose que vous sachiez
Et ce que vous possédez est ce que vous ne possédez pas
Et là où vous êtes est là où vous n'êtes pas."

(T.S. Eliot, Quatre Quatuors - East Coker)

samedi 1 avril 2006

"Chaque moment est une neuve et bouleversante évaluation de tout ce que nous fûmes"

II

"Que fait donc ce tardif Novembre
Avec son trouble printanier
Ses créatures de l'été,
Ses perce-neige que le pied broie
Ses passeroses qui visent trop haut
Rouges sur gris, et dégringolent
Ses roses tardives qu'emplit la neige ?
Roulant aux astres, le tonnerre
Simule les chars de triomphe
Déployés en arrois stellaires
Le Scorpion combat le Soleil
Qui décline ainsi que la Lune
Comètes pleurent, Léonides volent
Tous vont chassant par cieux et plaines
Pris au vortex qui commettra
Le monde à ce feu destructeur
Dont l'action précède le règne
De la calotte glaciaire.
C'était une façon de dire les choses - mais pas très satisfaisante :
Une étude périphrastique sur un mode poétique désuet,
Vous laissant toujours en proie à l'intolérable lutte
Avec les mots et les sens. La poésie n'importe point.
Ce n'était pas (pour recommencer) ce que l'on avait escompté.
Quelle allait être la valeur du calme longtemps attendu,
Longuement espéré, la sérénité automnale
Et la sagesse de l'âge ? Nous avaient-ils leurrés
Ou s'étaient-ils leurrés eux-mêmes, les aînés à la voix tranquille ?
Nous avaient-ils légué simplement une recette de duperie ?
La sérénité n'était-elle qu'hébétude délibérée,
La sagesse que la connaissance de secrets morts
Inutiles dans la ténèbre où ils plongeaient
Ou dont ils détournaient les yeux ? Il n'y a, à ce qu'il nous semble,
Au mieux, qu'une valeur limitée
Dans le savoir dérivant de l'expérience.
Le savoir impose un motif, et falsifie.
Car le motif se renouvelle à chaque moment
Chaque moment est une neuve et bouleversante
Évaluation de tout ce que nous fûmes. Nous sommes seulement
détrompés
De tout ce qui, en nous trompant, ne pourrait plus nous nuire.
Étant à mi-chemin, pas seulement à mi-chemin,
Tout le long du chemin, dans un bois noir, dans la ronceraie,
Sur le bord d'un bourbier où le pied ne peut s'assurer
Menacés par des monstres, des lueurs fantastiques,
Risquant l'ensorcellement. Que je n'entende pas parler
De la sagesse des vieillards, mais bien plutôt de leur folie,
De leur crainte de la crainte et de la frénésie, de leur crainte
d'être possédés,
D'appartenir à un autre, à d'autres, à Dieu.
La seule sagesse que nous puissions espérer acquérir
Est la sagesse de l'humilité; car l'humilité est sans bornes.

Les maisons s'en sont allées toutes sous la mer.

Les danseurs s'en sont tous allés sous la colline."

(T.S. Eliot, Quatre Quatuors - East Coker)

vendredi 31 mars 2006

"Je suis ici, ou là, ou bien ailleurs"

I

"En mon commencement est ma fin. Successivement
Les maisons s'élèvent et croulent, sont agrandies,
Déplacées, détruites, restaurées, ou bien à leur place
S'étend un champ ouvert, une usine ou une autostrade..
La vieille pierre se mue en bâtiments neufs, le vieux bois en feux
nouveaux,
Les vieux feux en cendres, et les cendres en terre,
Laquelle est déjà chair, fourrure et fèces,
Ossements d'homme et de bête, tuyaux de céréale et feuilles.
Les maisons vivent et meurent : il y a un temps pour bâtir
Et un temps pour vivre et pour engendrer
Un temps pour que le vent brise la vitre disjointe
Et secoure le lambris où trotte la musaraigne
Et secoure la tenture en loques tissée d'une devise silencieuse.
En mon commencement est ma fin. Voici que la lumière tombe
Sur le champ ouvert, délaissant le chemin creux
Clos de branchages, obscur l'après-midi,
Où l'on se presse contre un talus pour laisser passer un camion,
Et le chemin creux d'insister sur la direction
Du village, dans la chaleur électrique
Hypnotisé. Dans la brume chaude la lumière oppressante
Est absorbée, non réfractée par la pierre grise
Les dahlias dorment dans le silence vide.
Attendez la chouette précoce.

Dans ce chamnp ouvert
Si l'on ne vient pas trop près, si l'on ne vient pas trop près,
Par un minuit d'été l'on peut entendre la musique
Du pipeau grêle et du petit tambour
Et voir danser autour du feu de joie :
L'associement de l'homme et de la femme
En la dance signifiant mariage
Lequel est sacrement digne et commodieux.
Deux par deux vont, conjonction nécessaire,
L'un l'autre se tenant par la main ou le bras
En gage de concorde. Tournant, tournant autour du feu
Bondissant à travers la flamme ou bien encore nouant des rondes,
Avec solennité rustique ou rustique joyeuseté
Levant des pieds pesants dans leurs lours brodequins,
Pieds de terre, pieds de glaise levés en liesse campagnarde
La liesse de ceux qui sont depuis longtemps sous terre
Et nourrissant le blé. Battant la mesure,
Battant le rythme dans leur danse
Ainsi que leur vie dans les saisons vivantes
Le temps des saisons et des constellations
Le temps de la traite et le temps des moissons
Le temps de l'accouplement de l'homme et de la femme
Et de celui des bêtes. Pieds qui se lèvent, pieds qui retombent.
Manger et boire. Fiente et mort.

L'aube point, et un nouveau jour
S'apprête à la chaleur et au silence. Le vent de l'aube
Ondule et glisse sur la mer. Je suis ici
Ou là, ou bien ailleurs. En mon commencement."

(T.S. Eliot, Quatre Quatuors - East Coker)

mardi 28 mars 2006

Un air de printemps

"Le printemps est la façon avec laquelle la nature crie, "Faisons la fête !""

(Robin Williams)

samedi 25 mars 2006

Que faites-vous du temps qu'il vous reste ?

"C'est le genre d'homme qui peut tout faire, n'étant personne. C'est le genre d'homme qui a tout fait, des études, des travaux, des coups. Maintenant il dirige une usine. Mais diriger n'est pas le mot. Les milieux d'affaires sont comme tous les autres. C'est partout la même loi élémentaire, triviale. Partout la soif de gouverner, le goût d'anéantir. Il connaît cette loi, sans s'y soumettre. Il est comme un aimant qui attire à lui la limaille des intérêts, des bassesses nécessaires à chacun dans un emploi. Il voit, il passe. Il n'est jamais corrompu par ce qui l'approche. C'est l'orgueil qui mène. Un orgueil incommensurable, par lui seul défini. L'orgueil de ne jamais manquer à l'élégance de vivre, l'orgueil d'échapper à ce qui est. Il va dans le monde comme un géomètre. D'instinct il calcule les distances. D'emblée il connaît le centre et la périphérie. Arrive-t-il quelque part, il entend déjà les paroles qui seront prononcées. Ce qui se passera, il le voit, et aussi ce qui ne se passera pas. Il va partout. Il côtoie des notables, des hommes lourds, puissants. Il est admis à leur table, reçu dans leur parole. Il s'approche de ces gens au plus près, comme on se penche sur le vide, dans le risque de s'y perdre. Il passe là au plus près de la mort de son âme, de la fin d'une enfance. Il échappe au dernier instant, dans un fou rire, dans l'insolence. Il redevient à l'ultime seconde ce qu'il n'a pas cessé d'être : l'enfant insupportable, curieux de tout. Le renard insoucieux du gibier. Il fait demi-tour. Dans le rire il s'éloigne. Il y a si peu de vrais événements dans la vie. Le monde est trop étroit pour son ambition et Dieu n'existe pas : alors que faire du temps qui reste, de tout le temps ?"

(Christian Bobin, La folle allure)

mercredi 22 mars 2006

W;t

"Mort, il n'y a plus; Mort, tu devras mourir !"

(Margaret Edson, W;t)

vendredi 17 mars 2006

Office with Windows for office with or without windows

COSTELLO CALLS TO BUY A COMPUTER FROM ABBOTT

ABBOTT: Super Duper computer store. Can I help you?

COSTELLO: Thanks. I'm setting up an office in my den and I'm thinking about buying a computer.

ABBOTT: Mac?

COSTELLO: No, the name's Lou.

ABBOTT: Your computer?

COSTELLO: I don't own a computer. I want to buy one.

ABBOTT: Mac?

COSTELLO: I told you, my name's Lou.

ABBOTT: What about Windows?

COSTELLO: Why? Will it get stuffy in here?

ABBOTT: Do you want a computer with Windows?

COSTELLO: I don't know. What will I see when I look at the windows?

ABBOTT: Wallpaper.

COSTELLO: Never mind the windows. I need a computer and software.

ABBOTT: Software for Windows?

COSTELLO: No. On the computer! I need something I can use to write proposals, track expenses and run my business. What do you have?

ABBOTT: Office.

COSTELLO: Yeah, for my office. Can you recommend anything?

ABBOTT: I just did.

COSTELLO: You just did what?

ABBOTT: Recommend something.

COSTELLO: You recommended something?

ABBOTT: Yes.

COSTELLO: For my office?

ABBOTT: Yes.

COSTELLO: OK, what did you recommend for my office?

ABBOTT: Office.

COSTELLO: Yes, for my office!

ABBOTT: I recommend Office with Windows.

COSTELLO: I already have an office with windows! OK, let's just say I'm
sitting at my computer and I want to type a proposal. What do I need?

ABBOTT: Word.

COSTELLO: What word?

ABBOTT: Word in Office.

COSTELLO: The only word in office is office.

ABBOTT: The Word in Office for Windows.

COSTELLO: Which word in office for windows?

ABBOTT: The Word you get when you click the blue "W".

COSTELLO: I'm going to click your blue "w" if you don't start with some straight answers. What about financial bookkeeping? You have anything I can track my money with?

ABBOTT: Money.

COSTELLO: That's right. What do you have?

ABBOTT: Money.

COSTELLO: I need money to track my money?

ABBOTT: It comes bundled with your computer.

COSTELLO: What's bundled with my computer?

ABBOTT: Money.

COSTELLO: Money comes with my computer?

ABBOTT: Yes. No extra charge.

COSTELLO: I get a bundle of money with my computer? How much?

ABBOTT: One copy.

COSTELLO: Isn't it illegal to copy money?

ABBOTT: Microsoft gave us a license to copy Money.

COSTELLO: They can give you a license to copy money?

ABBOTT: Why not? THEY OWN IT!

(A few days later)

ABBOTT: Super Duper computer store. Can I help you?

COSTELLO: How do I turn my computer off?

ABBOTT: Click on "START"............."

(Merci I.!)

jeudi 16 mars 2006

Un vrai riche

"C'est un vrai riche, il n'a pas besoin de paraître."

(Norbert Régina, La femme immobile)

jeudi 9 mars 2006

La trentaine

"La trentaine, l'âge où la vie ne s'évalue pas en rêves mais en réalisations."

(Yvette Naubert, Les Pierrefendre)

(Merci I.!)

vendredi 3 mars 2006

"En mon commencement est ma fin"

"Il y a sous le ciel un moment pour chaque chose. Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir; un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté; un temps pour tuer et un temps pour guérir; un temps pour pleurer et un temps pour rire; un temps pour gémir et un temps pour sauter de joie; un temps pour jeter des pierres et un temps pour les ramasser; un temps pour aimer et un temps pour haïr..., un temps pour déchirer et un temps pour recoudre; un temps pour se taire et un temps pour parler."

(Ecclésiaste,III, 1-7)

jeudi 2 mars 2006

"Tu dois passer par ce que tu n'es point"

"Afin de parvenir à prendre plaisir à toutes choses,
Désire ne prendre plaisir à rien.
Afin de parvenir à posséder toutes choses,
Désire ne posséder rien.
Afin de parvenir à être toutes choses,
Désire n'être rien.
Afin de parvenir à connaître toutes choses,
Désire ne connaître rien.
Afin de parvenir là où tu ne prendras nul plaisir,
Tu dois aller par une voie où tu ne prendras nul plaisir,
Afin de parvenir à ce que tu ne connais point,
Tu dois aller par une voie que tu ne connais point.
Afin de parvenir à ce que tu ne possèdes point,
Tu dois aller par une voie que tu ne possèdes point.
Afin de parvenir à ce que tu n'es point,
Tu dois passer par ce que tu n'es point."

(Saint Jean de la Croix, L'Ascension du Mont Carmel, I, XIII)

vendredi 17 février 2006

Souveraineté du vide

"Plus assez de poids, plus assez d'ombre pour accomplir une tâche, assurer le suivi d'une lecture ou même simplement pour marcher. Oisiveté. Lumière dansante, allègre, lumière non visible, lumière du dedans. Ne restent plus que des pensées enveloppantes, développantes. Livres. Beaucoup de livres dans cette chambre. Beaucoup de vagues. Beaucoup d'arbres. Étant dans cette chambre comme dans une forêt, comme au fond de la mer. Beaucoup de chambres dans cette chambre. Étant partout comme dans une chambre, comme dans une forêt, comme au fond de la mer. Partout ainsi. À ne rien faire. À regarder, tout. Je ne serais fait pour rien. Je serais fait pour cela : tout. L'Amour. Les choses s'avancent vers moi, toutes choses. Par leur silence, elles entrent en moi. D'abord par leur silence. Puis leur lumière s'élabore en moi, discrète, infime. Miraculée. Enfin l'embrasement, l'éclair, le brûlant, le radieux. Ensuite, écrire, seulement ensuite. Voilà. C'est tout. Je ne saurais rien faire d'autre. Seulement cet échange de silence en lumière. L'Amour. Il passe mes lèvres, coupe les lignes de ma main, à l'envers, puis à l'endroit, puis à l'envers, ainsi de suite. Je regarde ce mouvement. J'écris, voyez, je vous écris. Ces lettres. Cette lettre."

(Christian Bobin, Souveraineté du vide. Lettres d'or)

mercredi 15 février 2006

L'enseignant-formateur

"Il y a une différence entre "aujourd'hui à mon cours, je vais enseigner aux étudiants..." et "aujourd'hui à mon cours, les étudiants vont apprendre..."
Un enseignant ne fait pas de l'information mais de la formation."

(Laszlo DeRoth, Enseigner en couleurs)

vendredi 10 février 2006

Nous sommes tou(te)s des handicapé(e)s

"Finalement, je me pose la question : qu'est-ce qu'une personne handicapée ? Incapable de voler, coureur médiocre, piètre nageur, l'homme ne se perçoit pourtant pas comme un handicapé. Il ne souffre pas vraiment de ses limites. En somme, on peut considérer qu'une personne handicapée l'est seulement un peu plus qu'une personne dite normale, ce qui modifie radicalement le regard qu'on peut porter sur soi. Et ceci ne concerne que notre être physique.
Le matérialisme de notre époque nous fait trop souvent oublier que nous vivons aussi de nos sentiments et de notre âme, autrement dit que notre être a une triple nature : physique, psychique et spirituelle. La vie active ne produit-elle pas parfois des handicaps psychiques ou spirituels parmi les gens qui, par exemple, ne prennent plus le temps de s'abandonner à un coucher de soleil ou à un concerto de Mozart ?"

(Michel Robert, ...et les bras m'en sont tombés...)

jeudi 9 février 2006

"Et Job me fut conté..."

"Méritons-nous les maux dont nous souffrons ? Cette question-là est hors sujet. Il n'y a pas davantage de finalité à la souffrance. Elle n'est là ni pour réparer ni pour préparer. Elle est. Camus aurait pu écrire le Livre de Job. À la fin de la parabole, Job, comme Sisyphe, apprend à vivre l'absurde. Ni révolte contre un présent qui trahirait le passé, ni résignation à un destin inéluctable, mais acceptation d'un présent qui ne témoigne ni du passé ni de l'avenir, qui ne témoigne que de lui-même. Ma liberté d'homme est bien là dans l'acceptation de cette maladie, fait présent non entièrement déterminé par le passé et non entièrement déterminant du futur."

(Michel Robert, ...et les bras m'en sont tombés...)

dimanche 5 février 2006

Possédés par nos possessions

"Nous avons peur de cesser d'exister, de cesser d'exister physiquement et d'être séparés des choses que nous avons possédés, acquises à force de travail, dont nous avons fait l'expérience - la femme, le mari, la maison, les meubles, le petit jardin, les livres, et les poèmes que nous avons écrits ou espérions écrire. Nous avons peur d'abandonner tout cela parce que nous sommes le mobilier, nous sommes le tableau que nous possédons; si nous sommes doués pour le violon, nous sommes le violon. Car nous nous sommes identifiés à ces objets - et nous ne sommes plus rien d'autre qu'eux. Avez-vous jamais vu les choses sous cet angle ? Vous êtes la maison - avec ses volets, et la chambre, les meubles que vous avez amoureusement encaustiqués pendant des années, et qui vous appartiennent - voilà ce que vous êtes. Si on vous ôte tout cela, vous n'êtes rien."

(Krishnamurti)

vendredi 3 février 2006

Chronique d'une mort annoncée

"Elle a entrepris de faire le ménage dans les boîtes remplies de photos, de papiers et de souvenirs qu'elle conserve au fond de sa garde-robe. Elle prend beaucoup de plaisir à mettre ainsi de l'ordre dans sa vie. Mais toutes les choses qu'elle met à la poubelle sont autant de fragments de son existence qui se détachent d'elle, de morceaux de vie qui s'en vont. Dans chacun de ses gestes, je la vois mourir."

(Pierre Monette, Dernier automne)

jeudi 2 février 2006

Être altruiste ou ne pas être altruiste ?

" C'est toujours le moment de faire quelque chose de bien."

(Martin Luther King, J.R.)

mercredi 25 janvier 2006

Une partie de l'Océan

"C'est l'histoire d'une petite vague qui va clapotant sur l'océan, s'amusant comme une folle. Heureuse dans le vent et le grand air, jusqu'à ce qu'elle aperçoive les autres vagues devant elle qui s'écrasent contre le rivage.
"Mon Dieu ! C'est affreux, dit la vague, qu'est-ce qui va m'arriver ?
"Ensuite, arrive une autre vague. Elle voit la mine sombre de la première vague et lui demande : "Pourquoi as-tu l'air si triste ?" La première vague répond : "Tu ne comprends donc pas ! Nous allons toutes nous écraser ! Nous allons toutes disparaître ! C'est affreux."
"La deuxième vague lui dit : "Non, c'est toi qui ne comprends pas. Tu n'es pas une vague, tu es une partie de l'océan."

Inspire, expire, inspire, expire...

(Mitch Albom, La dernière leçon)

mardi 24 janvier 2006

La Job de Dieu

"Vous vous souvenez du Livre de Job ?
"Dans la Bible ?"
Oui. Job est un juste, mais Dieu le fait souffrir. Pour mettre sa foi à l'épreuve.
"Je me souviens."
Il lui enlève tout ce qu'il possède, sa maison, son argent, sa famille...
"Sa santé."
Il lui envoie une maladie.
"Pour mettre sa foi à l'épreuve."
Oui. Pour la mettre à l'épreuve. Je me demande donc...
"Tu te demandes quoi ?"
Ce que vous en pensez.
Morrie tousse violemment. Ses mains tremblent alors qu'il les laisse tomber sur le côté.
"Je pense, dit-il en souriant, que Dieu en a fait un peu trop."

(Mitch Albom, La dernière leçon)

La famille humaine

"Au début de la vie, quand nous sommes encore tout-petits, nous avons besoin des autres pour survivre, non ? À la fin de la vie, quand on devient comme je le suis, on a aussi besoin des autres pour survivre, d'accord ?"
Baissant le ton jusqu'à chuchoter :
"Je vais te dire un secret : entre les deux, on a aussi besoin des autres."

(Mitch Albom, La dernière leçon)

lundi 23 janvier 2006

Questions essentielles

Que suis-je devenu(e) ? :

"As-tu trouvé quelqu'un à aimer ?"

"Donnes-tu de ton temps aux autres ?"

"Es-tu en paix avec toi-même ?"

"Est-ce que tu essaies d'être aussi humain(e) que possible ?"

(Mitch Albom, La dernière leçon)

dimanche 22 janvier 2006

Les jolies choses

"Beaucoup de très belles choses nous attendent, sans jamais s'impatienter de ne pas nous voir venir."

(Christian Bobin, Prisonnier au berceau)

Question : À quoi bon... ? Réponse : Pour la beauté de l'art...

À quoi bon vivre quand la maladie puis la mort nous guettent ?
À quoi bon aimer quand ceux qu'on aime nous sont retirés ?
À quoi bon se battre quand la bataille est perdue d'avance ?
Pourquoi vivre quand la vie ne commence à être qu'une succession de deuils ?
Pourquoi même pleurer quand le temps fini par tout effacer, même la souffrance ?

"If I knew what the painting was going to be, why would I paint it ?" (Picasso)

"So why be a choreographer if it's already all in your mind ? I love the adventure of creation. It's like life. Why dare living if we all know before. We don't know. You never know, and this is the magic of it." (Marie Chouinard)

mercredi 18 janvier 2006

La folie

"Un fou, c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place."

(Christian Bobin, Prisonnier au berceau)

Vous pensez savoir ce qu'est la SLA ?

"La SLA [Sclérose latérale amyotrophique], c'est comme une bougie allumée : elle consume les nerfs et laisse le corps comme un tas de cire fondue. Cela commence souvent par les jambes et cela progresse vers le haut. On perd le contrôle des muscles des cuisses, et on ne peut plus se tenir debout. On perd le contrôle des muscles du buste, et on ne peut plus se tenir assis. Avant la fin, si l'on est toujours en vie, on respire à travers un tube, par un trou dans la gorge. L'âme, parfaitement éveillée, est emprisonnée à l'intérieur d'une coque molle, et l'on a tout juste la capacité de cligner de l'oeil ou de claquer la langue, comme dans un film de science-fiction, l'homme pétrifié à l'intérieur de sa propre chair ! Tout cela ne prend pas plus de cinq ans, à partir du moment où la maladie se déclare."

"Il est atteint d'une maladie incurable qui le paralyse peu à peu. Il sait qu'il va mourir. Il sait qu'il va se dégrader rapidement, perdre son autonomie. Il sait qu'il devra bientôt confier son corps, ses gestes les plus intimes, aux regards et aux mains des autres. Il le craint. Qui ne le craindrait ?"

(Mitch Albom, La dernière leçon)



"Étudiez-moi dans ma lente et patiente disparition ! Observez ce qui m'arrive ! Apprenez avec moi !"

"C'est horrible de regarder mon corps mourir à petit feu. Mais il y a quelque chose de merveilleux dans le temps que cela me laisse pour dire au revoir."

(Propos de Morrie Schwarz, atteint et décédé de la SLA, dans Mitch Albom, La dernière leçon)

mardi 17 janvier 2006

Le travail du chercheur

"L'activité du chercheur se distingue de celle d'un auteur de nouvelles en ce qu'il ne commence pas avec une page blanche. Il commence avec une page déjà écrite en partie, un brouillon à la mise au net duquel il se propose de contribuer."

(Bernard Morand, Logique de la conception : figures de sémiotique générale d'après Charles S. Peirce)

vendredi 13 janvier 2006

Éloge de l'ennui

"Un enfant qui s'ennuie n'est pas très loin du paradis : il est au bord de comprendre qu'aucune activité, même celle, lumineuse, du jeu, ne vaut qu'on y consacre toute son âme. L'ennui flaire un gibier angélique dans le buisson du temps : il y a peut-être autre chose à faire dans cette vie que de s'y éparpiller en actions, s'y pavaner en paroles ou s'y trémousser en danses. La regarder, simplement.
La regarder en face, avec la candeur d'un enfant, le nez contre la vitre du ciel bleu derrière laquelle les anges, sur une échelle de feu, montent et descendent, descendent et montent."

"L'ennui est un petit balai de genêts manié par un ange pour chasser la poussière de nos désirs. En la vidant peu à peu, il éclaircit la chambre de l'âme."

(Christian Bobin, Prisonnier au berceau)