mercredi 13 juillet 2005

L'allégorie de la montagne

"Dans la littérature zen, mais aussi dans les récits de toutes les grandes religions, on trouve des voyageurs parcourant ainsi les montagnes. L'allégorie est facile entre la montagne et l'obstacle spirituel que toute âme doit franchir pour atteindre le but de sa quête. Comme ceux que nous laissons derrière nous, dans la vallée, la plupart des gens demeurent toute leur vie au pied des montagnes de l'esprit, sans chercher à les gravir. Ils se contentent d'écouter le récit de ceux qui les ont vaincues; ils évitent ainsi les difficultés de l'ascension. D'autres partent dans la montagne, accompagnés de guides expérimentés et qui connaissent les voies les meilleures, les moins dangereuses. D'autres encore, sans expérience, et se méfiant des guides, s'efforcent de trouver des itinéraires inédits; bien peu y parviennent. Mais, parfois, certains d'entre eux, touchés par la grâce, à force de volonté et de hasards heureux, parviennent au but. Une fois arrivés, ils se rendent compte, plus facilement que tous les autres, que le nombre de voies n'est pas limité. Il y a autant de chemins que de voyageurs."

(Robert M. Pirsig, Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes)

mardi 12 juillet 2005

Les livres : 8ème péché capital ou compagnons de vie ?

"Je me dis qu'il n'existe aucun livre (ou peu, très peu) dans lequel je n'ai rien trouvé qui m'intéresse. Je me dis que, d'abord, je ne les ai pas introduits chez moi sans raison, et que cette raison peut prévaloir à nouveau dans l'avenir. Je me donne pour excuses la complétude, la rareté, une vague érudition. Mais je sais que la raison majeure de mon attachement à ce trésor amassé sans relâche est une sorte d'avidité voluptueuse. J'aime contempler mes bibliothèques encombrées, pleines de noms plus ou moins familiers. Je trouve délicieux de me savoir entouré d'une sorte d'inventaire de ma vie, assorti de prévisions de mon avenir. J'aime découvrir, dans des volumes presque oubliés, des traces du lecteur que j'ai été un jour - griffonnages, tickets d'autobus, bouts de papier avec des noms et des numéros mystérieux, et parfois, sur la page de garde, une date et un lieu qui me ramènent à un certain café, à une lointaine chambre d'hôtel, à un été d'autrefois. Je pourrais, s'il le fallait, abandonner tous mes chers livres et recommencer ailleurs; je l'ai déjà fait, plusieurs fois, par nécessité. Mais alors j'ai dû admettre aussi une perte grave, irréparable. Je sais que quelque chose meurt quand je me sépare de mes livres, et que ma mémoire continue de se tourner vers eux avec une nostalgie endeuillée."

(Alberto Manguel, Une histoire de la lecture)

lundi 4 juillet 2005

Rien à faire

"Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup
d'effort et de volonté, mais réside là, tout près
dans la détente et l'abandon.
Ne t'inquiète pas, il n'y a rien à faire,
Tout ce qui s'élève dans l'esprit n'a aucune
importance parce que n'a aucune réalité.
Ne t'y attache pas. Ne te juge pas.
Laisse le jeu se faire tout seul, s'élever et
retomber sans rien changer, et tout s'évanouit
et commence à nouveau sans cesse.
Seule cette recherche du bonheur nous
empêche de le voir.
C'est comme un arc-en-ciel qu'on poursuit
sans jamais le rattraper.
Parce qu'il n'existe pas, qu'il a toujours été
là et t'accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des expériences
bonnes ou mauvaises, elles sont comme des
arcs-en-ciel.
A vouloir saisir l'insaisissable, on s'épuise
en vain.
Dès lors qu'on relâche cette saisie, l'espace
est là, ouvert, hospitalier, et confortable,
Alors profites-en. Tout est à toi, déjà.
Ne cherche plus.
Ne va pas chercher dans la jungle
inextricable l'éléphant qui est tranquillement
à la maison.

Rien à faire.
Rien à forcer.
Rien à vouloir.
Et tout s'accomplit spontanément."

(Guendune Rinpoché)

(Merci J. !)