mardi 7 juin 2022

La vie dehors

 "Allez, assez tapé pour moi. Le dehors m'appelle. J'entends une pie jacasser follement tandis qu'une autre est sous un arbre, en train d'arracher des plumes à un ramier qui se débat. Au-dessus, un chardonneret chante en duo avec sa compagne, une ode à l'amour, ou à la vie, ou à l'amour de la vie.

Dehors. C'est là qu'est ma place."

(Mark BoyleL'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)

Gagner les bois

 "Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n'affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je pourrais apprendre ce qu'elle avait à m'enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n'avais pas vécu."

(Henry David Thoreau, Walden ou la Vie dans les bois cité dans Mark Boyle, L'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)

Ne plus suivre l'actualité

 "J'ai décidé de cesser de m'intéresser à l'actualité en novembre 2015, plus d'un an avant de rejeter les technologies qui permettent de la diffuser. Je ne pensais pas que les nouvelles fussent un mal en soi - même si elles étaient presque toujours mauvaises -, mais je ne souhaitais plus les lire. Je trouvais qu'elles étaient devenues barbantes et répétitives. Comme l'a écrit Thoreau au XIXe siècle, bien avant Twitter et les chaînes d'info en continu, "Si nous lisons l'histoire d'un homme dévalisé, ou assassiné, ou tué dans un accident, ou d'une maison brûlée, ou d'un vaisseau naufragé, ou d'un vapeur qui explose... autant ne plus jamais en relire de semblables. Une seule fois suffit." L'actualité était devenu un peu comme les films hollywoodiens : la même intrigue, avec des acteurs différents.

Mais comme dit l'adage, nul homme n'est une île, si bien que les nouvelles vraiment incontournables trouvaient leur chemin jusqu'à moi, ne fût-ce que sous forme de gros titres, que cela me plaise ou non. Trump. Le Brexit. La crise des réfugiés syriens. Le terrorisme. (...)

Quelques-uns de mes amis m'ont laissé entendre que c'était irresponsable de ne pas se tenir au courant des affaires du monde, car cela revenait à laisser politiciens et grands patrons faire n'importe quoi en toute impunité. Je comprends la logique, et peut-être ont-ils raison. Mais nous n'avons jamais été exposés à autant de nouvelles; celles-ci n'ont jamais été suivies par autant d'individus, et pourtant les politiciens et les grands patrons continuent, plus que jamais, à faire n'importe quoi en toute impunité. En même temps, le contre-pouvoir de la presse s'érode, car les rédactions, mises sous pression financièrement, favorisent la quantité plutôt que la qualité afin d'alimenter sans cesse leur compte Twitter."

(Mark BoyleL'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)

Les clés

"Quand j'étais gérant d'une entreprise d'alimentation bio à Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, ma vie était remplie de clés. Les clés de la maison, les clés du vélo, un trousseau entier pour le boulot. Au début, je n'y pensais pas vraiment, mais avec le temps elles se sont mises à m'embêter. Je ne voulais pas vivre quelques part où tout devrait être mis sous clé, et je me demandais pourquoi j'avais choisi de vivre parmi des gens à qui je ne faisais pas confiance. Il m'arrivait de me demander si les objets que j'enfermais m'appartenaient, ou si ce n'était pas moi qui leur appartenais de plus en plus. Pourtant, par nécessité - en trois mois, on m'avait volé six vélos, dont cinq étaient attachés - je devais porter dans ma poche un trousseau dont les tintements me rappelaient en permanence un mode de vie dont je commençais à douter.
Dix ans plus tard, sorti faire un tour, je prends conscience que je n'ai absolument rien dans les poches. On me suggère parfois de fermer la maison à clé quand je sors. Je réponds généralement par un éclat de rire. Je demande aux gens de regarder autour d'eux et de me dire ce qui vaudrait le coup d'être volé. Mon mug en bois? Mon petit couteau? Les objets qui occupent les lieux n'ont de valeur que pour moi."

(Mark Boyle, L'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)