"J'ai décidé de cesser de m'intéresser à l'actualité en novembre 2015, plus d'un an avant de rejeter les technologies qui permettent de la diffuser. Je ne pensais pas que les nouvelles fussent un mal en soi - même si elles étaient presque toujours mauvaises -, mais je ne souhaitais plus les lire. Je trouvais qu'elles étaient devenues barbantes et répétitives. Comme l'a écrit Thoreau au XIXe siècle, bien avant Twitter et les chaînes d'info en continu, "Si nous lisons l'histoire d'un homme dévalisé, ou assassiné, ou tué dans un accident, ou d'une maison brûlée, ou d'un vaisseau naufragé, ou d'un vapeur qui explose... autant ne plus jamais en relire de semblables. Une seule fois suffit." L'actualité était devenu un peu comme les films hollywoodiens : la même intrigue, avec des acteurs différents.
Mais comme dit l'adage, nul homme n'est une île, si bien que les nouvelles vraiment incontournables trouvaient leur chemin jusqu'à moi, ne fût-ce que sous forme de gros titres, que cela me plaise ou non. Trump. Le Brexit. La crise des réfugiés syriens. Le terrorisme. (...)
Quelques-uns de mes amis m'ont laissé entendre que c'était irresponsable de ne pas se tenir au courant des affaires du monde, car cela revenait à laisser politiciens et grands patrons faire n'importe quoi en toute impunité. Je comprends la logique, et peut-être ont-ils raison. Mais nous n'avons jamais été exposés à autant de nouvelles; celles-ci n'ont jamais été suivies par autant d'individus, et pourtant les politiciens et les grands patrons continuent, plus que jamais, à faire n'importe quoi en toute impunité. En même temps, le contre-pouvoir de la presse s'érode, car les rédactions, mises sous pression financièrement, favorisent la quantité plutôt que la qualité afin d'alimenter sans cesse leur compte Twitter."
(Mark Boyle, L'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)