"Quand j'étais gérant d'une entreprise d'alimentation bio à Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, ma vie était remplie de clés. Les clés de la maison, les clés du vélo, un trousseau entier pour le boulot. Au début, je n'y pensais pas vraiment, mais avec le temps elles se sont mises à m'embêter. Je ne voulais pas vivre quelques part où tout devrait être mis sous clé, et je me demandais pourquoi j'avais choisi de vivre parmi des gens à qui je ne faisais pas confiance. Il m'arrivait de me demander si les objets que j'enfermais m'appartenaient, ou si ce n'était pas moi qui leur appartenais de plus en plus. Pourtant, par nécessité - en trois mois, on m'avait volé six vélos, dont cinq étaient attachés - je devais porter dans ma poche un trousseau dont les tintements me rappelaient en permanence un mode de vie dont je commençais à douter.
Dix ans plus tard, sorti faire un tour, je prends conscience que je n'ai absolument rien dans les poches. On me suggère parfois de fermer la maison à clé quand je sors. Je réponds généralement par un éclat de rire. Je demande aux gens de regarder autour d'eux et de me dire ce qui vaudrait le coup d'être volé. Mon mug en bois? Mon petit couteau? Les objets qui occupent les lieux n'ont de valeur que pour moi."
(Mark Boyle, L'année sauvage : une vie sans technologie au rythme de la nature)