vendredi 7 avril 2006

"Notre mal seul nous est santé"

IV

"L'acier du chirurgien blessé
Questionne la partie viciée;
Nous sentons sous les mains sanglantes
Appliquées à guérir la pitié pénétrante
Qui de la fièvre cherche à percer le secret.

Notre mal seul nous est santé
Si nous écoutons l'infirmière
Mourante et qui ne veut nous plaire
Mais nous remémorer Adam, notre douaire
Et que le mal, pour mieux guérir, doit empirer.

Cette terre est notre hôpital
Don du millardaire failli :
Si tout va bien, c'est donc ici
Que nous mourrons du soin paternel et total
Qui toujours nous harcèle et partout nous poursuit.

Monte, froid, au long des jarrets;
Chante, fièvre, aux fibres mentales.
Je dois, pour être réchauffé,
D'abord transir au gel du feu purgatorial
Dont roses est la flamme, épines la fumée.

Seul breuvage : un sang qui ruisselle;
Seul aliment : la chair qui saigne.
Pourtant nous voulons qu'il soit dit
Que nous sommes vraiment chair et sang substantiels
Et persistons à nommer saint ce Vendredi."

(T.S. Eliot, Quatre quatuors - East Coker)