"Certes, cette année m'avait changé. J'avais vieilli, mais ce partage trop soudain entre le passé et l'avenir ne m'avait pas brisé. J'étais toujours cet homme désarmé et qui pourtant survit à tout, précisément parce qu'il s'adapte à tout. Plus pensif, je n'étais pas plus absorbé. Je demeurais perplexe, mais n'étais pas moins étonné. Je commençais à peine à m'apercevoir que, à part quelques courts épisodes d'amitié assez intenses, j'avais vécu presque toute une année dans la solitude. Je me découvrais peu impressionné par ce solitaire qui sans cesse avait été occupé d'étoiles, d'arbres, de livres, de chiens. Je ne m'applaudis pas davantage à présent. Je me réjouis seulement de ce que mon pressentiment fut le bon: j'avais été à l'étroit dans la jeunesse."
(Jean-François Beauchemin, Cette année s'envole ma jeunesse)