"Si, jadis, on écoutait la musique par amour de la musique, aujourd'hui elle hurle partout et toujours, "sans se demander si on a envie de l'écouter", elle hurle dans les haut-parleurs, dans les voitures, dans les restaurants, dans les ascensceurs, dans les rues, dans les salles d'attente, dans les salles de gymnastique, dans les oreilles bouchées des walkmen, musique réécrite, réinstrumentée, raccourcie, écartelée, des fragments de rock, de jazz, d'opéra, flot où tout s'entremêle sans qu'on sache qui est le compositeur (la musique devenue bruit est anonyme), sans qu'on distingue le début ou la fin (la musique devenue bruit ne connaît pas la forme) : l'eau sale de la musique où la musique se meurt."
(Milan Kundera, L'ignorance)