"(...) Car l'art est là pour déplacer notre regard sur les choses. Les traumatismes sont comme les tabous, ils se nourrissent de silence, d'appréhension et de déni. Il vient un jour où la prise de parole n'est même plus un choix, mais une nécessité. Si une oeuvre qui traite d'une tragédie comme Polytechnique réveille des émotions enfouies, c'est pour les révéler. L'art touche, bouleverse, secoue, atteint, mais il ne blesse pas. Il peut évoquer les zones douloureuses sans nous faire mal. Il ne réssuscite pas le réel, mais lui donne une résonance. Il n'accable pas, il élève. La puissance et la nécessité de l'art dramatique réside précisément dans cette capacité d'exprimer et de nous faire sentir des émotions intenses sans nous aveugler, comme cela se produit dans la vie réelle. Ce faisant, la tragédie constitue une expérience de clarté qui nous "désenfouit" de l'opacité du monde réel. On quitte alors le film ou la pièce avec quelque chose de plus, une conscience enrichie. Le reste n'est plus qu'affaire de goût et de disposition personnelle."
(Gilbert Turp, "Art et tragédie", Le Devoir, jeudi 5 février 2009, p.A6)
"Avec le temps, les choses s'amoindrissent" a-t-il fini par dire, en sortant un stylo. Il a dessiné un tableau, avec une courbe qui descend doucement. Il m'a tendu le bout de papier. "Voilà. C'est l'expression mathématique d'un sentiment", a-t-il lancé en souriant.
(Rima Elkouri, "Elles étaient ses étudiantes", La Presse, samedi 7 février 2009, p.A9)