jeudi 28 avril 2005

Poussière de vie

"Une petite chouette découverte au bord de la route menant à la plage, la nuit. Tombée d'un arbre, filée des mains de Dieu ou des ailes de sa mère, perdue. Quand on l'approche, elle essaie de grossir ses yeux d'épingle, pour impressionner. Ramenée à la maison - il était impossible de savoir de quel arbre elle venait, et sur cette route, il n'y avait pour elle que la mort, celle des chats ou des voitures -, posée sur la table de pin clair, elle n'en bouge plus, ne touche à rien de ce que l'on dispose devant elle, mies de pain, dés de viande, gouttes d'eau. La nuit passe. Au matin on la retrouve près de la porte, terrorisée par la lumière du jour. On la confie à un habitant du village qui s'occupe d'animaux. La maison de cet homme est une arche de Noé, elle y sera bien et pourtant une vague de tristesse vient en repartant - comme si pour quelques heures on s'était trouvé dans un des livres de Dickens où l'on accompagne un orphelin sur les marches d'un pensionnat triste."

(Christian Bobin, Autoportrait au radiateur)