Diagnostic fatal
Impuissance lancinante
Devoir choisir pour toi ta dernière robe
La robe portée au mariage de ton fils
Te savoir seule la nuit dans cette inhospitalière chambre d'hôpital
Désir de cogner, de frapper, de lutter, de refuser ta mortalité, ma déesse-mère
Ma nièce venant vers moi en pleurs et tenant dans ses mains le dessin mal caché qu'elle t'avait offert à l'hôpital... L'horrible perspicacité d'une enfant de quatre ans
Ton fauteuil vide...roulant à vide
Ton odeur et ton rire... à jamais disparus
Ton odeur qui s'efface de tes vêtements et l'écho numérique de ton rire dans ma caméra
Ma dernière caresse dans tes cheveux, mon dernier baiser amoureux sur ton front glacé
Le dernier dessin que ta petite-fille a délicatement posé sur ton corps qu'on lui a dit endormi, avant que cette affreuse boîte ne t'encloisonne
Ta mère en pleurs
L'égarement de ton inconsolable époux, mon père
Le profond désespoir de ta première, refugiée furtivement dans mes bras
Le courage de ton dernier, émotivement campé à mes côtés
La belle feuille d'automne que ta petite-fille m'a spontanément donnée durant la cérémonie religieuse
Ma sereine et profonde colère qui continue de gronder
Cette nausée qui ne semble plus me quitter
Ta fin, le commencement de ma fin ?
Voir ton ombre à travers moi tous les jours dans le miroir
Ne pas savoir où tu es
Ta dernière leçon : "Ne pleures pas", la plus difficle à apprendre
Mes dernières et sincères paroles
Tes clins d'oeil et sourires d'encouragement alors que tu ne pouvais déjà plus parler
Cette envie de vomir, cette envie de mourir
Ce dernier maquillage, ce dernier massage, ce dernier bon repas et ce dernier verre de vin souhaités par toi qui te savait condamnée
Oui, on savait bien que ton pays, c'était la vie
Penser que tu aies attendu que je parte pour partir à ton tour
Maintenant
Vide, tout semble vide
Une immense vie vide
Où es-tu ? Es-tu bien maintenant ? Es-tu rien maintenant?
Hors de moi d'être hors de toi... pour une deuxième et dernière fois
Deuxième et irréversible rupture
Que veux-tu que cela me fasse de savoir que la peine s'efface un jour, en cet instant péniblement présent
Ne pas se résoudre aux adieux
Mais se résoudre à demeurer partiellement brisée, partiellement morte
Orpheline
Se questionner
À qui maintenant le tour... le macabre tour de manège ?