"Aux alentours de ma chaloupe qui prend l'eau, je perçois encore la beauté du monde, je m'accroche aux frissons inédits. Je veux profiter de ce calme, de cette immobilité, je souhaite m'installer dans la routine de mes maux, profitant des répits, du passage du temps, bien à l'abri dans ma loge, observant la tempête, les glaces, les canards, les pluies d'automne, appréciant mon café, le manger, l'histoire, les documents, la visite de mes amis, les bons mots, face à face avec mes propres textes, imaginant la vie, domestiquant mes peines et mes souffrances, émerveillé devant la répétition des nuits et des jours, dans les bras de ma blonde et puis elle dans les miens, ce qui est le sens du monde, reconnaissant et grognon, abandonné aux souvenirs de mes enfants et petits-enfants. Tout ira bien, tout ira bien, voilà la première prière."
(Serge Bouchard, Les yeux tristes de mon camion)