mercredi 9 novembre 2005

Éloge de la mortalité

"L'homme est depuis toujours à la recherche de l'immortalité. S'il peint une toile, il y appose son nom. C'est une forme d'immortalité que de laisser un nom derrière soi; l'homme veut toujours léguer à la postérité quelque chose de lui-même. Qu'a-t-il à léguer - à part les connaissances technologiques - qu'a-t-il à donner qui vienne de lui-même ? Qu'est-il au juste ? Vous avez peut-être un compte en banque mieux garni que le mien, vous êtes peut-être plus intelligent que moi, plus ceci ou plus cela, mais psychologiquement, que sommes-nous ? - une foule de mots, de souvenirs, d'expériences, et c'est cela que nous voulons transmettre à un fils, que nous voulons mettre en mots dans un livre, ou en images dans un tableau. "Moi". Le "moi" prend une importance colossale : le "moi" opposé à la communauté, le "moi" en quête d'identification, de réussite, de grandeur - vous connaissez cela, et tout le reste. Quand vous observez ce "moi", vous constatez que c'est un ramassis de souvenirs, de mots vides. C'est à cela que nous nous cramponnons ; c'est l'essence même de cette séparation entre "vous" et "moi", "eux" et "nous"(...). L'amour n'est possible que lorsqu'il y a la mort."

(Krishnamurti)