vendredi 26 octobre 2007

"C'était une chambre d'observation intensive, où sa grand-mère était seule. Le drap, d'une blancheur extrême, laissait à découvert ses bras et ses épaules; il lui fut difficile de détacher son regard de cette chair dénudée, ridée, blanchâtre, terriblement vieille. Ses bras perfusés étaient attachés au bord du lit par des sangles. Un tuyau cannelé pénétrait dans sa gorge. Des fils passaient sous le drap, reliés à des appareils enregistreurs. Ils lui avaient enlevé sa chemise de nuit; ils ne l'avaient pas laissée refaire son chignon, comme chaque matin depuis des années. Avec ses longs cheveux gris dénoués. Ce n'était plus tout à fait sa grand-mère; c'était une pauvre créature de chair, à la fois très jeune et très vieille, maintenant abandonnée entre les mains de la médecine. Michel lui prit la main; il n'y avait que sa main qu'il parvienne tout à fait à reconnaître. Il lui prenait souvent la main, il le faisait encore tout récemment, à dix-sept ans passés. Ses yeux ne s'ouvrirent pas; mais peut-être, malgré tout, est-ce qu'elle reconnaissait son contact. Il ne serrait pas très fort, il prenait simplement sa main dans la sienne, comme il le faisait auparavant; il espérait beaucoup qu'elle reconnaisse son contact."

(Michel Houellebecq, Les particules élémentaires)